Si le tourisme est le pain et le beurre d’une large partie de la population de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, il entraîne aussi son lot de problèmes, notamment en matière de droit au logement. C’est ce qui ressort de l’audience de la Commission populaire qui a eu lieu à Gaspé, le 17 octobre.
Une travailleuse du Centre de femmes La Sentinelle, aux Îles-de-la-Madeleine, avait fait le voyage jusqu’à Gaspé pour en témoigner, en compagnie d’une aînée. Les deux femmes tenaient à rendre compte des situations difficiles que vivent les insulaires qui peinent à trouver un logement convenant à leurs besoins physiques et à leurs capacités financières. Selon l’employée du centre, certains propriétaires des Îles, soucieux de pouvoir louer aux touristes durant la période estivale très lucrative, limitent les locations de septembre à juin en offrant des baux temporaires. C’est donc dire que, durant l’été, des locataires doivent quitter leur logement. Mais pour aller où ? Les lieux disponibles, surtout ceux à proximité des services, se font en effet extrêmement rares toute l’année durant. À ce chapitre, les effets négatifs du tourisme se font aussi sentir en Gaspésie, où un sondage commandé par la Commission jeunesse Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine a révélé que 68,5 % des jeunes disent avoir de la difficulté à se trouver un logement sur la côte de Gaspé. Selon l’organisme, les maisons sont de plus en plus les cibles de villégiateurs, ce qui concourt à l’augmentation des prix et accentue le phénomène des logements peu disponibles de septembre à mai.
Par ailleurs, les recours des locataires des Îles sont mis à mal parce que la Régie du logement y tient ses audiences par vidéoconférence. Certaines sont entendues par téléphone, d’autres mises en attente lorsque survient un problème technique.
Tout le monde se connaît !
Plusieurs personnes ont mentionné qu’aux Îles comme en Gaspésie, les propriétaires ont tout le loisir de faire de la discrimination, notamment parce que peu de logements sont vacants, comme en témoigne un taux d’inoccupation extrêmement bas (1,5 % à Gaspé, à l’automne 2012). Des groupes ont indiqué que les préjugés sont grands dans la région à l’égard des personnes à faible revenu et que des listes noires de locataires « indésirables » existeraient.
À ce sujet, la Maison d’hébergement l’Aid’elles de Gaspé, qui reçoit des femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants, conseille aux femmes d’appeler à partir d’une boîte téléphonique au moment de la recherche de logement, pour ne pas dévoiler leur situation. L’intervenante a déploré que devant l’incapacité à trouver un logement adéquat, il arrive que des femmes victimes de violence doivent retourner vivre avec leur conjoint violent.
Un retraité qui s’implique auprès des personnes vivant avec un problème de santé mentale a ajouté que cette population souffrait beaucoup de la discrimination et du fait que « tout le monde se connaît ». Selon lui, le logement social avec soutien communautaire est une réponse à favoriser pour atténuer ces effets.
Jacynthe Cyr, la directrice du Groupe ressource en logements collectifs, qui a organisé l’audience de Gaspé, a rappelé que l’absence de logements en Gaspésie et aux Îles est un obstacle important pour le respect du droit au logement. Ceci entraînerait différents abus de propriétaires qui n’ont pas de scrupule à louer des logements en mauvais état, parfois non finis. Une travailleuse dans une ressource alternative en santé mentale a fait remarquer que de nombreuses personnes n’ont pas de bail et se croient donc sans protection. Et comme il n’existe aucun comité logement ou association de défense des droits des locataires pour toute la région de la Gaspésie, il est bien ardu pour ces personnes d’obtenir toute l’information et l’aide nécessaires pour défendre leurs droits.