Montréal, le 13 avril 2023 – Une centaine de personnes discutent aujourd’hui de la financiarisation du logement à Montréal, pour mieux y résister. Elles sont mobilisées par le Collectif de recherche et d’action sur l’habitat (CRACH), la Corporation de développement communautaire Action-Gardien, le FRAPRU, le collectif Prenons la ville et le Regroupement information logement (RIL) de Pointe Saint-Charles, des organisations communautaires et universitaires alarmés par les reculs du droit au logement que ce phénomène occasionne dans la métropole.
Comme dans plusieurs autres grandes villes nord-américaines, les groupes constatent que des fonds d’investissements immobiliers et de pension s’invitent dans le domaine de l’habitation et proposent leurs capitaux, soit pour soutenir le redéveloppement de grands sites et la construction domiciliaire, soit pour acheter de grands ensembles de logements déjà construits et les rénover pour les relouer beaucoup plus chers. « À la recherche de profits maximisés, ces fonds proposent des prêts à haut taux d’intérêts et cela se répercute automatiquement sur le prix des logements », explique Louis Gaudreau, professeur à l’École de travail social de l’UQÀM et membre du CRACH. Selon lui, le phénomène risque de prendre de l’ampleur à Montréal, si les gouvernements n’interviennent pas, puisque la pénurie de logements locatifs vient de se réinstaller et que « ça assure de juteux retours sur investissements », précise-t-il.
Marie-José Corriveau, du FRAPRU, observe que de telles interventions financières sont dommageables pour les locataires à faible et à modeste revenu. « Les nouveaux logements ainsi financés et construits s’avèrent inabordables, souvent trop petits pour les familles et les opérations d’achat-rénovation se traduisent le plus souvent par la « réno-viction » des locataires vulnérables; tout ça nourrit la spirale inflationniste des loyers et accélère la disparition des logements encore accessibles », précise-t-elle.
Les organismes de Pointe-Saint-Charles, qui réclament « un développement de Bridge-Bonaventure à la hauteur des besoins urgents de la population et de ses aspirations » s’insurgent contre le projet porté par le développeur Devimco et les investisseurs de sa société en commandite, dont le Fonds de solidarité FTQ. « La recherche de profits semble être la seule préoccupation », dénonce Karine Triollet de la CDC Action-Gardien. « On n’acceptera certainement pas une reproduction de Griffintown dans notre quartier ! », s’insurge Francis Dolan, du RIL.
Les participantes et les participants à la journée ont également protesté contre l’attitude complaisante des gouvernements envers les fonds d’investissements en immobilier. Selon Louis Gaudreau, « le fédéral soutient implicitement la financiarisation du logement en surprotégeant les banques; il les incite à mettre en marché des prêts hypothécaires qui sont ensuite récupérés par ces fonds, devenant leur caution pour offrir des capitaux aux promoteurs ». Selon le FRAPRU, en choisissant de confier des fonds publics à des fonds privés comme le Fonds de solidarité FTQ, Desjardins et FondAction, pour construire du logement abordable, le gouvernement caquiste pave la voie de la privatisation de l’aide au logement. « Pour faire progresser le droit au logement, il doit au contraire réinvestir dans son propre programme de logements sociaux », poursuit Marie-José Corriveau.
La journée s’est terminée sur une note d’encouragements, à la lumière du témoignage de Greenpeace qui mène un combat acharné contre les investissements des grandes banques dans le pétrole. Le collectif Prenons la ville a apprécié particulièrement « le témoignage du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI), qui a gagné une chaude lutte contre les investisseurs de Dollarama, alors qu’ils exigeaient des reculs dans le contrat de travail pour assouvir leur soif de profits »; « c’est une véritable source d’inspiration », conclut Eric Shragge.
– 30 –