Plusieurs organismes communautaires mauriciens unissent leurs voix pour revendiquer plus de logements sociaux

Shawinigan, le 13 décembre 2023 – Alors que la situation du logement continue de se détériorer en Mauricie, une importante mobilisation de locataires et d’organismes communautaires de Trois-Rivières, Shawinigan, La Tuque, Saint-Étienne-des-Grès s’est tenue aujourd’hui, à l’appel de Infologis Mauricie, de la CDC de Shawinigan, du regroupement de la défense de droits des droits sociaux de Shawinigan, de la TROC-CQM, de la Maison citoyenne de Shawinigan, du Centre d’action bénévole Le Trait-d’union, de Travail de rue à Shawinigan (TRASH), du Centre d’organisation mauricien de services et d’éducation populaire (COMSEP), des centres amitiés autochtones de Trois-Rivières et de Shawinigan, de l’organisme Escouade itinérance de la MRC de Maskinongé, le GDDS de Trois-Rivières  et du FRAPRU devant les bureaux de la députée caquiste Marie-Louise Tardif pour interpeller le gouvernement québécois sur les besoins criants des locataires de la Mauricie et sur l’urgence de mettre enfin en place les mesures structurantes qui s’imposent pour éviter que la situation des locataires de la région ne continue de se dégrader.

Cette mobilisation se tenait dans le cadre de la campagne Au front pour le logement social ! du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) qui a dévoilé par la même occasion les données locales et régionales pour la Mauricie de la huitième édition de son Dossier noir sur le logement et la pauvreté, basé sur l’analyse d’une commande spéciale faite à Statistique Canada des données du recensement 2021. Selon les organismes communautaires mobilisés, ces nouveaux chiffres illustrent une fois de plus l’importance de prévoir le développement de davantage de logements sociaux, notamment sous forme d’habitations à loyer modique, dans le plan d’action gouvernemental en habitation attendu incessamment et de les financer adéquatement dans le prochain budget du Québec.

Des locataires à très faibles revenus

Les données du Dossier noir logement et pauvreté révèlent les besoins alarmants des ménages locataires mauriciens qui sont parmi les plus pauvres du Québec. Parmi les 17 régions administratives du Québec, les ménages locataires de la Mauricie figurent au 3ème rang de ce triste palmarès avec un revenu médian annuel de 39 200 $ en 2020. Ceux de Shawinigan arrivent au 2ème rang des quelques soixante municipalités pour lesquelles le FRAPRU a commandé des données, avec un revenu médian annuel de 35 200$. Quant à la RMR de Trois-Rivières, le revenu des ménages locataires s’établit à 41 200$, le plus bas des 6 régions métropolitaines du Québec. À l’échelle des régions administratives, c’est en Mauricie que le revenu médian des ménages locataires ayant des besoins impérieux de logement est le plus bas selon Statistiques Canada, soit 12 800 $.

Des locataires en détresse

Dans le contexte de pénurie de logement qui frappe la région, ces ménages sont particulièrement vulnérabilisés selon le FRAPRU et Infologis Mauricie, un constat partagé par les organismes communautaires mauriciens de divers horizons, témoins quotidiennement d’une détérioration rapide de la situation des locataires. Partout dans la région, le taux d’inoccupation est très en dessous du seuil d’équilibre du marché de 3% reconnu par la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Il affiche un taux alarmant de 0,7 % à Shawinigan et 0,9 % à Trois-Rivières. Hausses de loyer abusives, augmentation des évictions, pressions vécues particulièrement durement par les locataires aînés, insalubrité, augmentation de l’itinérance visible et invisible et surtout, absence d’alternatives vu les listes d’attente déjà longues pour un logement social ont témoigné tour à tour plusieurs organismes. À Shawinigan, le loyer moyen d’un 4 ½ a augmenté de 15 % en 1 an seulement selon les dernières données disponibles, à Trois-Rivières, cette hausse a été de 8 %.

 Selon le FRAPRU et les organismes communautaires mauriciens mobilisés, la hausse rapide des loyers qui suit cette pénurie extrême et la spéculation immobilière qui s’intensifie rend plus précaires encore le sort de ceux et celles à faibles et modestes revenus. En 2021, dans la région, avant les hausses importantes de loyer des 2 dernières années, 20 % des ménages locataires mauriciens consacraient plus du seuil critique de 30 % de leur revenu pour se loger, mettant ainsi en péril la réponse à leurs autres besoins essentiels, tels que se nourrir. Selon les données de Statistiques Canada, 10 070 ménages locataires de la Mauricie[1], dont 6 325 à Trois-Rivières, 2 215 à Shawinigan et 285 à La Tuque étaient dans cette situation. À l’échelle de la région, la moitié de ces ménages avait un revenu de moins de 20 200$ par année. Dans le cas des 2 930 ménages locataires mauriciens consacrant plus de la moitié de leur revenu au loyer, le revenu médian est de 11 700 $. « C’est trop peu pour trouver un logement décent que l’on peut se payer sur le marché privé. Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement de François Legault a ignoré les signaux d’alarme. On voit d’année en année le désespoir des locataires augmenter ! », dénonce Claude Jalette, coordonnatrice d’Infologis Mauricie.

Les personnes seules, les personnes aînées, les jeunes et les femmes, sont surreprésentées parmi les locataires ayant un revenu plus faible et consacrant une part disproportionnée de leur revenu pour se loger. Ces personnes risquent davantage de se trouver en situation de grande précarité suite à une hausse de loyer ou si elles doivent déménager, puisque les logements disponibles à la location sont beaucoup plus chers que les logements occupés. À Shawinigan, les organismes comme le Centre d’Action Bénévole Le Trait-d’union sont témoins de la détresse psychologique des ménages locataires aînés, et d’évictions forcées souvent illégales vécus par ceux-ci, vivant souvent depuis des années dans leurs logements. Selon les données du Dossier noir, les locataires de plus de 65 ans sont ceux ayant le plus bas revenu par tranche d’âge. « Ça prend du logement social, en particulier des HLM, pour tous les locataires ayant des besoins, mais ça en prend en particulier pour les personnes aînées qui n’ont pas les moyens de se payer une Résidence Soleil », souligne Josée Despins coordonnatrice du RDDS de Shawinigan. Le RDDS, comme les autres organismes, insiste sur l’importance de lutter simultanément  contre la pauvreté en augmentant les prestations d’aide sociale, le salaire minimum et en améliorant les régimes publics de retraite.

Des annonces insuffisantes

Selon les organismes, les 1,8 milliard $ (dont 900 millions $ en provenance du gouvernement fédéral) pour financer 8000 logements sociaux « et abordables » supplémentaires, annoncés lors de sa dernière mise à jour économique du Québec, représentent un premier pas dans la bonne direction, mais sont insuffisants pour faire obstacle à la pénurie extrême d’appartements locatifs, l’explosion dsu coût des loyers et l’aggravation de la situation de l’itinérance à l’échelle du Québec. Ils s’inquiètent par ailleurs qu’il n’y ait pas d’assurance que ces logements seront tous des logements sociaux financés dans le cadre d’un programme gouvernemental, d’autant plus que seulement 1000 logements ont obtenu avant-hier la confirmation de leur financement suite au 2ème appel de projets du Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ). « Non seulement il faut en faire plus et prévoir maintenant un nombre plus important de logements financés pour les 5 prochaines années, mais les fonds publics doivent être uniquement réservés à la réalisation de logements hors marché privé, sous forme d’habitations à loyer modique (HLM), coopérative et OSBL d’habitation. Le FRAPRU dénonce le virage opéré par Québec vers le logement abordable et souligne qu’après 2 ans, le PHAQ n’a pas fait ses preuves. « Le logement social est la seule formule permettant d’assurer sur le long terme des loyers qui répondent réellement à la capacité de payer des locataires et de construire un patrimoine collectif pour nos communautés » explique Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. Le logement dit ‘’abordable’’ est une notion élastique qui n’offre ni garantie sur le long terme, ni de réponse aux besoins des locataires les plus précaires,

Des mesures concrètes exigées du gouvernement Legault

Les organismes de la région sont unanimes : non seulement le logement social doit être financé à la hauteur des besoins, mais il doit l’être via un programme dédié au logement social qui soit réellement pérenne. Selon eux, le Plan d’action en habitation de la ministre France-Élaine Duranceau, attendu incessamment, et le prochain budget du Québec doivent contenir des annonces concrètes en ce sens. À court terme, le FRAPRU et Infologis Mauricie demandent le financement de 50 000 nouveaux logements sociaux en 5 ans, dont au moins 1 200 pour la Mauricie.

Les organismes dénoncent par ailleurs le projet de loi 31 modifiant notamment la cession de bail, qui contient beaucoup plus de reculs que d’avancées pour les locataires et risque de freiner davantage l’accès au logement des plus vulnérables. « Il s’agit d’une occasion manquée de renforcer concrètement les protections contre les évictions frauduleuses et les hausses abusives de loyer » rappelle Claude Jalette. Les organismes de défense du droit au logement espèrent que les élu.e.s de la Mauricie défendront davantage les locataires de la région avant que le projet de loi ne soit soumis à l’Assemblée nationale en 2024 et espèrent qu’il sera retiré au profit d’un nouveau projet de loi.

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Informations et demandes d’entrevues : 

Véronique Laflamme, FRAPRU, 418-956-3403 (cell.)

Claude Jalette, Infologis Mauricie : 438 346-2453


[1] Aussi élevés soient-ils, ces chiffres sous-estiment la réalité, signale le FRAPRU puisque les données du recensement sont basées sur les revenus de 2020 alors que les prestations d’urgence mises en place par les gouvernements pour soutenir les revenus des ménages au début de la pandémie ont provisoirement dopé les revenus d’un grand nombre de locataires. Ils n’incluent pas non plus les personnes en situation d’itinérance ni la plupart des personnes sans papier ou à statut migratoire irrégulier