Après avoir sillonné les routes du Québec, une centaine d’irréductibles militantes et militants pour le droit au logement de Montréal, la Montérégie et la Capitale nationale ont manifesté devant l’Assemblée nationale cet après-midi. Au même moment, à Montréal, un rassemblement improvisé d’une soixantaine de personnes a eu lieu devant le bureau de François Legault au centre-ville.
Les militantes et militants pour le droit au logement dénoncent les effets de la crise du logement et réclament des gestes forts de la part du gouvernement Legault.
Pendant trois jours, les caravanes du FRAPRU auront visité 20 bureaux de ministres du gouvernement Legault. Ce matin, des rassemblements se tiennent aux bureaux des ministres Jean Boulet, à Trois-Rivières, Chantal Rouleau, à Montréal, Lionel Carmant, à Longueuil, Sonia LeBel, Trois-Rivières, François Legault, à L’Assomption, Andrée Laforest, à Saguenay, André Lamontagne, à Drummondville. À Québec, plus d’une vingtaine de militantes et militants des groupes membres du FRAPRU dans la région, le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, le Comité des citoyennes et citoyens du quartier Saint-Sauveur et le Comité logement d’aide de Québec, et des groupes alliés ont interpelé Jonathan Julien, le ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale suppléant.
À quelques semaines du deuxième budget du gouvernement québécois, le FRAPRU a ainsi voulu s’assurer que son message soit entendu par les membres du Conseil des ministres. « Il y a une crise du logement au Québec et on ne peut pas se satisfaire des investissements actuels », indique Véronique Laflamme, la porte-parole du regroupement. Le FRAPRU demande à François Legault de réaliser son engagement électoral de livrer les logements sociaux promis depuis 10 ans, rapidement, et de lancer un grand chantier de 50 000 logements sociaux en 5 ans, dès son prochain budget.
Une crise du logement qui a de graves conséquences
Le FRAPRU constate que, déjà, la pénurie de logement — la plus grave en 15 ans — a de graves conséquences sur les locataires et sur les milieux de vie. « La plus évidente est la hausse drastique des loyers. Les personnes les plus pauvres sont chassées de plus en plus loin de leurs quartiers », souligne Véronique Laflamme. « Les petites municipalités, surtout celles où de nouveaux emplois se développent et celles où l’industrie touristique est florissante, sont aussi touchées par l’effritement du parc de logements locatifs encore abordables », ajoute-t-elle. Les groupes membres du FRAPRU constatent également une recrudescence des cas de discrimination.
« Tous ces obstacles à la location d’un logement décent, à prix convenable, mènent de plus en plus de gens à la rue », déplore la porte-parole. Elle rappelle aussi que, depuis plusieurs mois, les refuges pour personnes itinérantes font état de débordements tandis que les maisons de transition doivent garder des femmes victimes de violence conjugale plus longtemps que prévu, parce qu’elles ne trouvent pas de logement abordable au terme de leur séjour, obligeant d’autres à demeurer avec leur conjoint dangereux.
Outre la pression induite par la pénurie de logements, les locataires des grandes villes subissent les contrecoups de la marchandisation du logement, phénomène planétaire que la Rapporteure spéciale de l’ONU sur le logement convenable a déjà constaté. Le Québec avait été jusqu’à présent relativement épargné par le phénomène, mais ce n’est plus le cas. Selon le regroupement, la hausse rapide du prix des terrains, des immeubles et des logements récemment construits en témoigne. À Québec, comme à Montréal, le FRAPRU s’inquiète en particulier de la spéculation foncière entrainée par les projets de transport collectif développés dans des quartiers où les loyers étaient encore bas. « Cette spéculation provoque des dérapages, les propriétaires-investisseurs utilisent des stratagèmes douteux pour se débarrasser des locataires jugés moins payants. On ne peut plus laisser la situation dégénérer et c’est une raison supplémentaire pour qu’un nombre suffisant de logements sociaux puisse être planifié en amont », avertit Véronique Laflamme.
Contrairement au début des années 2000, plusieurs nouveaux logements sont mis en chantier, mais ce n’est pas suffisant pour régler la crise, selon le FRAPRU. « Les logements neufs qui se construisent sont hors de prix et ne sont pas une option pour les locataires précaires victimes d’évictions ou de reprises de logement ou encore pour ceux et celles vivant dans des logements insalubres. Si on veut trouver une réelle alternative aux logements trop chers, il faut augmenter la proportion de logements hors marché, qu’ils soient publics, coopératifs ou sans but lucratif », affirme Véronique Laflamme.
Or, « il y a aussi pénurie de logements sociaux, qui perdure depuis plusieurs années », rappelle Véronique Laflamme. Le seul programme dédié à la construction de logements sociaux n’ayant pas été ajusté pendant 10 ans, la réalisation de logements prévus dans les budgets des dernières années piétine. Dans le budget de l’an passé, le gouvernement Legault a prévu 260 millions $ pour permettre la réalisation des logements sociaux promis par les gouvernements antérieurs, conformément à la promesse faite en campagne électorale, mais la somme s’avère déjà insuffisante, vu la rapidité avec laquelle les prix de la construction et du foncier montent. Le FRAPRU réclame donc des sommes supplémentaires dans le prochain budget, pour assurer leur livraison sans plus attendre. Mais selon lui, il faut faire beaucoup plus pour freiner la crise du logement : le regroupement demande donc aussi au gouvernement Legault d’adopter un vrai plan de développement de 50 000 logements sociaux, sur cinq ans. Selon le regroupement, il faut d’ailleurs absolument une nouvelle programmation d’AccèsLogis, dès le prochain budget pour que la mairie de Montréal puisse atteindre son objectif de livrer 6000 nouveaux logements sociaux en 4 ans.
Un contexte budgétaire et économique à saisir
La vigueur de l’économie québécoise étant l’une des principales causes de la pénurie de logements, le FRAPRU juge normal que les revenus engrangés par Québec servent à développer des logements convenables, véritablement abordables, pour les principales victimes de cet effet pervers, et cela, de manière durable. « Non seulement le gouvernement dispose d’un surplus budgétaire anticipé d’au moins 5 milliards $, avant les versements au Fonds des générations, mais il pourrait aller chercher des revenus supplémentaires en rendant la fiscalité plus progressive. Des contributions fédérales découlant de la Stratégie canadienne sur le logement sont aussi à venir et devraient servir à augmenter les objectifs de développement », rappelle le FRAPRU. Le regroupement espère d’ailleurs que le Québec obtienne sa juste part de ces investissements fédéraux et qu’une entente soit signée rapidement par Ottawa et Québec.
« Au Québec, améliorer les conditions de logement des personnes mal-logées n’est pas un problème d’argent : c’est bel et bien une question de choix, politiques et fiscaux », conclut Véronique Laflamme.
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