Québec, le 10 mars 2020 — Québec, le 10 mars 2020 — Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est non seulement déçu, mais indigné par le deuxième budget présenté aujourd’hui par le ministre des Finances, Éric Girard. Alors que la situation de centaines de milliers de locataires du Québec ayant des besoins urgents de logement se détériore rapidement en raison de la pénurie de logements et de la hausse rapide du coût des loyers, le gouvernement Legault a choisi, pour une deuxième année consécutive, de ne pas financer de nouvelles unités de logement social et se contente d’investir 150 millions $ pour compléter le financement des 15 000 unités déjà annoncées dans les budgets antérieurs.
Le FRAPRU dénonce ce choix, d’autant plus que Québec avait amplement les moyens de financer des nouvelles unités, alors qu’il dégage 4,5 milliards $ de surplus, avant versements au Fonds des générations, en 2019-2020. « C’est non seulement complètement irresponsable en pleine crise du logement de ne pas planifier dès maintenant un grand chantier de logements sociaux pour les années à venir, mais c’est injuste », affirme Véronique Laflamme, la porte-parole du FRAPRU. « Avec un maigre 0,13 % du total des dépenses prévues dans ce budget consacré au développement de logements sociaux, en pleine pénurie de logement, on peut affirmer que le gouvernement caquiste n’en fait pas une priorité », s’indigne-t-elle.
La seule mesure pour le logement social et communautaire contenue dans le budget Girard est le soutien à la réalisation des logements déjà prévus dans les budgets précédents et non livrés. Il s’agissait d’une des demandes du FRAPRU, puisque la somme de 260 millions $ annoncée dans le budget 2019-2020 était insuffisante pour assurer la livraison de ces logements, dont certains sont attendus depuis plusieurs années. Vu la vitesse avec laquelle les coûts de réalisation montent, le FRAPRU doute que la somme soit suffisante, d’autant plus que Montréal demandait à elle seule 100 millions $ et qu’elle n’en recevra que 58,5 millions $. .
Le FRAPRU insiste sur la nécessité que le Québec se dote d’un plan sur plusieurs années. « Il aurait fallu annoncer dès maintenant les sommes pour que les groupes puissent planifier dès maintenant des projets de logements publics, coopératifs et sans but lucratif des années à venir, et le faire sur plusieurs années », explique Véronique Laflamme. Selon le FRAPRU, sans investissements dédiés au développement de nouveaux logements sociaux, les villes comme Montréal, qui demandait 320 millions $ pour bonifier l’enveloppe d’AccèsLogis-Montréal et atteindre sa cible de construction de 6000 logements sociaux d’ici 2021, sont condamnées à retarder la livraison de projets pourtant réclamés par les communautés. Le FRAPRU demandait au gouvernement de lancer sans plus attendre un grand chantier de 50 000 logements sociaux en 5 ans.
S’il salue les investissements pour soutenir les femmes victimes de violence conjugale, notamment ceux visant à assurer la pérennité des maisons d’hébergement d’urgence et la continuité des services des maisons d’hébergement de deuxième étape, le FRAPRU fait remarquer que sans plus de logements sociaux, plusieurs d’entre elles sont exposées à devoir retourner vivre auprès de leur conjoint violent après leur séjour en hébergement, à se retrouver dans un logement trop cher, inadéquat, ou carrément à se retrouver à la rue.
Le gouvernement Legault investit 147 millions $ pour reconduire les 5800 suppléments au loyer privé annoncés lors du budget 2015-2016. Selon le FRAPRU, même si ces suppléments au loyer privés vont continuer d’aider les ménages qui en bénéficient déjà, cela ne contribuera pas à sortir le Québec de la crise. L’organisme souligne qu’en période de pénurie, plusieurs propriétaires refusent de façon peu scrupuleuse des locataires qui pourraient bénéficier de cette mesure.
Le FRAPRU rappelle que dans cinq des six régions métropolitaines de recensement du Québec et dans 15 des 24 agglomérations de recensement, le taux d’inoccupation des logements locatifs est sous le seuil d’équilibre de 3%. À Montréal, il est de 1,5%, le plus bas taux en 15 ans. Selon le FRAPRU, le marché privé n’est pas en mesure de régler la crise actuelle. « Si on veut créer une réelle alternative aux logements trop chers, il faut augmenter la proportion de logements hors marché, qu’ils soient publics, coopératifs ou sans but lucratif, où les locataires seront protégés contre les effets de la spéculation, les évictions et les reprises de logement », rappelle la porte-parole.
Des mesures « vertes » qui pourraient augmenter les inégalités sociales
Le FRAPRU aurait souhaité un réel plan de lutte contre les changements climatiques porteur de justice sociale, mais ne trouve pas cette volonté dans le budget Girard. Il craint même que certaines des mesures qu’il contient n’aient des conséquences fâcheuses sur les personnes les plus vulnérables, dont les locataires à faible et à modeste revenus. Le regroupement donne en exemple les projets structurants de transports collectifs ferroviaires (trains de banlieue, métros, tramways) qui bénéficieront d’un financement de Québec, mais qui risquent d’entraîner de la spéculation foncière sur leurs parcours. Pour éviter ces contrecoups, il aurait fallu investir des sommes en amont, pour acheter et mettre en réserve des sites dédiés à des futures projets de logements sociaux pour les ménages à faible et à modeste revenus et pour concrétiser la chose, un plan pluriannuel prévoyant le développement de logements sociaux.
Globalement, le FRAPRU qualifie le budget Girard d’occasion manquée pour lutter contre les inégalités sociales et assurer la réalisation progressive des droits sociaux et culturels, dont celui à un logement décent, ce qu’il s’est pourtant engagé à faire « au maximum des ressources disponibles » en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC). Le regroupement promet de poursuivre ses actions pour un grand chantier de logement social. Une série d’actions locales et régionales sont déjà prévues dans la semaine du 10 mai prochain. D’ici là, il continue d’espérer la conclusion d’une entente entre Ottawa et Québec sur les sommes découlant de la stratégie canadienne sur le logement en souhaitant que les sommes ainsi obtenues puissent être rapidement investies dans de nouveaux logements sociaux.
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