La situation du logement continue à se détériorer chez les Premières nations, au point où 9433 nouveaux logements doivent être construits au cours des cinq prochaines années au Québec et au Labrador. Ce chiffre alarmant provient d’une étude publiée en août 2014 par l’Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador (APNQL), à partir des travaux du bureau d’urbanistes-conseils Gaston Saint-Pierre et associés. Notons que cette donnée n’inclut pas les besoins dramatiques des Inuits du Nunavik qui ne sont pas considérés comme des Premières nations, au sens de la « Loi sur les Indiens ».
Les données utilisées dans l’étude, intitulée Besoins en logement des Premières nations 2014, proviennent des responsables de l’habitation de chaque communauté. Elles ont été conciliées avec des statistiques officielles du gouvernement fédéral. C’est la quatrième fois depuis 2003 que l’APNQL se livre à un tel exercice.
Selon l’étude, 5032 nouveaux logements, soit 57 % du total, sont nécessaires uniquement pour éliminer le surpeuplement actuel des habitations dans les communautés autochtones. Comme elle le précise, « cela signifie que le besoin provient, en majorité, de membres des Premières nations qui résident actuellement dans les communautés et qui utilisent déjà les services locaux (écoles, centre de santé, installations de production et de distribution d’eau potable »[i].
D’autres facteurs créent aussi le besoin de nouveaux logements, dont la croissance démographique rapide (2742 unités), la migration de personnes vivant en-dehors de leur communauté d’origine (1236), le remplacement de logements désuets (135), de même que la relocalisation et la création de villages (288).
Les 9433 unités réclamées viendraient s’ajouter aux 14 732 déjà existantes dans les 42 communautés des Premières nations du Québec et du Labrador. Leur construction nécessiterait des investissements de près de 1,9 milliard $. Les fonds actuellement prévus par le gouvernement fédéral ne couvrent que 5 % de ces coûts. Ce pourcentage monte à 8 %, si on tient compte des fonds fédéraux spéciaux pour la création de nouveaux villages.
Des conséquences
L’APNQL décrit bien les conséquences de la situation actuelle du logement dans les communautés : « La crise du logement a des répercussions à plusieurs niveaux: elle accélère la détérioration du parc immobilier, elle contribue à maintenir un climat de tension familiale, elle occasionne des problèmes d’apprentissage chez les jeunes, elle suscite des préoccupations au sujet de la santé et de la sécurité des occupants, elle favorise la diminution du sentiment d’appartenance à la communauté, elle augmente le fardeau financier, l’endettement et les risques financiers que doivent supporter les communautés »[ii].
Le rapport de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement, publié par le FRAPRU en mars 2013, en arrivait à une conclusion similaire, formulée, dans ce cas, en termes de violations de droits : « Au Nunavik et dans les Premières nations, le droit au logement apparaît nettement au cœur du dispositif des droits humains. La pénurie de logements devient vite dramatique lorsqu’elle est concentrée dans une communauté isolée et fermée. Elle agit comme un verrou qui bloque l’accès aux autres droits humains. Le plein exercice des droits à l’éducation, à la santé, à la sécurité de la personne, à l’égalité, à la non-discrimination et au droit à l’auto-détermination passent par l’urgence d’assurer le droit au logement »[iii].
Le manque de logements n’est pourtant qu’un des besoins vécus dans les communautés autochtones. C’est ainsi que l’étude Besoins en logement des Premières nations 2014 estime que 4983 unités ont besoin de rénovations majeures et que 1699 doivent être décontaminés, la plupart pour des raisons de moisissure. De plus, 8251 terrains doivent de toute urgence être desservis par des infrastructures : aqueduc, égouts, voirie, éclairage de rue, etc.
L’appui du FRAPRU
Le FRAPRU ne peut qu’appuyer les préoccupations de l’APNQL, de même que ses demandes au gouvernement fédéral, dont celles de « réaliser un investissement massif pour éliminer le retard accumulé en logement dans les communautés des Premières nations » et celle de « négocier et participer à la mise en œuvre d’une nouvelle approche par laquelle les Premières nations exercent leur pleine juridiction sur toute la question du logement »[iv].
La lutte contre les piètres conditions de logement vécues par les peuples autochtones n’est par ailleurs pas indépendante de celle contre les politiques colonialistes et le racisme dont ils ont été et font toujours l’objet. C’est pour cette raison que le FRAPRU s’est impliqué pendant plusieurs années dans la bataille pour que le Canada adopte la Déclaration des Nations Unies pour les droits des peuples autochtones[v]. C’est aussi ce qui explique qu’il continue depuis ce temps à s’impliquer au sein de la Coalition pour les droits des peuples autochtones, aux côtés de groupes comme Amnistie internationale, la Ligue des droits et libertés, Femmes autochtones du Québec, l’APNQL, le Regroupement des centres d’amitié autochtone du Québec, la Confédération des syndicats nationaux et la Centrale des syndicats du Québec.
Photo: À Lac Simon, une communauté anishnabe située près de Val-d’Or, en Abitibi, il manque présentement 234 logements, selon l’étude de l’APNQL. Lac Simon n’en compte présentement que 319 pour une population de 1829 personnes (photo : Véronique Laflamme).
[i] APNQL, Besoins en logement des Premières nations 2014, Étude réalisée par Gaston Saint-Pierre et associés, août 2014, p. 14.
[ii] Idem, p. 2.
[iii] Urgence en la demeure, Rapport de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement, mars 2013, p. 20.
[iv] APNQL, op. cit., p. 2.
[v] Ce que le gouvernement Harper n’a fait que pour la forme, en posant des conditions telles que la Déclaration n’a pas eu jusqu’ici d’impact sur ses lois, sur ses politiques et de manière générale sur ses relations avec les peuples autochtones.