Par Véronique Laflamme, organisatrice communautaire et responsable des dossiers québécois au FRAPRU
Alors que le gouvernement Couillard avait les moyens d’investir beaucoup plus, il s’est limité à revenir, dans son budget déposé le 28 mars, au financement, pour l’année 2017-2018, de 3000 nouveaux logements sociaux pour tout le Québec.
Bien que le FRAPRU se réjouisse du retour à des investissements similaires à ceux qui ont précédé les coupes budgétaires des deux dernières années, il déplore que les 3000 nouveaux logements ne fassent que remplacer les unités perdues en raison des politiques d’austérité. Cet investissement est largement insuffisant pour répondre aux besoins des 270 340 ménages mal-logés. Québec aurait pu faire beaucoup plus. Non seulement il disposait de plus d’argent du fédéral pour le logement que les années passées, mais également d’un surplus faramineux de 3,7 milliards $.
Logement : il faut faire plus que réparer les dégâts des dernières années
Le FRAPRU espérait que le budget donne suite aux recommandations formulées lors des consultations menées l’automne dernier sur les approches d’intervention de Québec en habitation, en assurant la préservation, l’amélioration et la bonification du programme AccèsLogis. Or, malgré des demandes quasi unanimes, les subventions du programme n’ont pas été indexées. Les coopératives et les OSBL d’habitation qui verront le jour continueront de devoir faire avec des montants qui sont les mêmes depuis 2009, ce qui rend leur réalisation particulièrement difficile. Minimalement, le budget aurait dû remettre en place les mesures d’aide pour les régions éloignées, coupées elles aussi depuis le budget de 2015.
Par ailleurs, le plan économique confirme que la réflexion du gouvernement sur son approche en habitation n’est pas terminée : « l’objectif gouvernemental est de revoir l’ensemble des programmes en habitation, dont le programme AccèsLogis, afin de réinvestir dans le parc de logements sociaux et abordables ». Même s’il n’en est pas question dans ce budget-ci, ne pensons pas que le gouvernement Couillard ait abandonné la privatisation de l’aide au logement. Les 5800 suppléments au loyer annoncés dans le budget 2015-2016 l’ont été pour 5 ans. Bref, la pérennité du programme AccèsLogis n’est pas assurée. C’est pourquoi, il faut poursuivre la mobilisation pour son maintien et son amélioration.
Le FRAPRU a aussi accueilli avec soulagement le retour des investissements dans les programmes d’aide à l’habitat. Cependant, les 73 millions $ prévus pour les programmes RénoRégion, Rénovation Québec et d’adaptation de domicile sont insuffisants et inférieurs aux investissements qui y étaient alors consacrés. Plus de 40 000 personnes en situation de handicap habitent dans des logements qui ne répondent pas à leurs besoins et ce ne sont pas les 28 millions $ investis pour l’adaptation de logements, pour tout le Québec, qui raccourciront beaucoup leurs délais d’attente.
La lutte à la pauvreté encore ignorée
Il est scandaleux qu’un budget prévoyant un surplus, avant les versements au Fonds des générations, parmi les plus importants de l’histoire du Québec, ignore les conditions de vie déplorables dans lesquelles vivent les personnes les plus pauvres. Non seulement l’adoption du troisième plan de lutte à la pauvreté est reportée à l’automne prochain, mais le budget Leitão ne prévoit absolument aucune mesure permettant de rehausser la prestation de base d’aide sociale qui ne couvre même pas 45 % des besoins de base. Dans les circonstances, la rumeur d’une nouvelle approche fondée sur le revenu minimum garanti (RMG) pour le nouveau plan de lutte est plus qu’inquiétante. Le FRAPRU s’opposera à toute avenue ayant pour conséquence de réduire ou couper les revenus des sans-emploi et les prestations d’autres programmes sociaux ou mesures sociales en place.
Nouveaux investissements, d’ici 2020-2021, pour le Plan d’action interministériel en itinérance
Comme l’a souligné le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), « même si plus de 7 millions $ auraient été nécessaires à la grandeur du Québec, cet ajout budgétaire constitue une bonne nouvelle en autant que les sommes investies permettent effectivement de financer une diversité d’interventions ». Les détails sur l’utilisation qui pourra être faite de ces fonds n’ont pas encore été dévoilés. Le FRAPRU souhaite qu’ils puissent être utilisés pour le soutien communautaire en logement social, ainsi que pour d’autres formes d’aide du même type.
La suite du sous-financement des groupes communautaires
Malgré l’important mouvement de mobilisation des groupes d’action communautaire autonome, maintenant réunis au sein de la campagne Engagez- vous pour le communautaire, le quatrième budget Leitão ne prévoit aucune somme supplémentaire pour leur permettre de mieux réaliser leur mission, mis à part 80 millions $ supplémentaires accordés au Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC). Cela est particulièrement décevant pour les organismes en défense collective des droits, dont les membres du FRAPRU, qui demeurent les moins bien financés et qui n’ont reçu aucune indexation de leurs subventions depuis 10 ans. Les 4000 organismes d’action communautaire autonome réclament une augmentation de 475 M $ par année. Cette somme serait largement couverte, simplement avec la remise en place de la taxe sur le capital pour les banques.
Un budget qui renonce à faire mieux pour l’avenir
Dans les services publics, comme dans les programmes sociaux, le budget ne réinvestit pas suffisamment pour réparer les torts causés par les politiques d’austérité des dernières années. Pire, après avoir coupé dans tous les secteurs, le ministre des Finances se prive toujours de nouveaux revenus. Ce n’est certainement pas une baisse d’impôts d’une cinquantaine de dollars qui compensera pour les hausses de tarifs et pour la dégradation des services publics et des programmes sociaux. Avant d’accorder de nouveaux allègements fiscaux aux entreprises, aussi minimes soient-ils, et de diminuer les impôts, le gouvernement québécois aurait dû augmenter les fonds nécessaires au respect des droits économiques et sociaux, puisqu’il doit le faire « au maximum de ses ressources disponibles », selon le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels auquel il a adhéré.
Ce quatrième budget Leitão confirme la poursuite des politiques néolibérales, qui se traduisent par l’affaiblissement de la capacité de dépenser de l’État et la fragilisation des services publics et des programmes sociaux. Québec a clairement renoncé à adopter une série de mesures budgétaires et fiscales qui lui permettrait de dégager les fonds nécessaires à un réinvestissement massif dans les programmes sociaux, les services publics et l’action communautaire autonome comme le FRAPRU et les autres membres de la Coalition Main rouge le revendiquent. Les mouvements sociaux devront se mobiliser pour éviter que le prochain budget, qui en sera un pré-électoral, ne poursuive sur cette lancée.