Entre les élections fédérales de l’automne 2021 et celles de l’automne 2025, Ottawa cessera de financer presque 19 000 des 71 000 HLM du Québec; ils passeront sous l’entière responsabilité de Québec. Les contributions canadiennes aux HLM tomberont à zéro en 2032.
Depuis 1994, le gouvernement canadien ne prend plus d’engagements à long terme pour la construction de nouveaux logements sociaux, ni envers leurs locataires à faible revenu. Sa contribution est maintenant ponctuelle et vise uniquement à réduire les emprunts hypothécaires des projets, afin que leurs loyers soient « abordables ». Pour que les locataires les plus pauvres ne consacrent pas plus de 25 % de leur revenu au loyer, les coopératives, les OSBL et les offices d’habitation doivent demander des subventions supplémentaires aux gouvernements provinciaux et territoriaux, voire aux municipalités.
Il va sans dire que cela complique la vie des groupes et fragilise la viabilité de leurs projets. Mais surtout, le gouvernement fédéral reporte ainsi sur les épaules des autres paliers, la responsabilité de subventionner les loyers des locataires à faible revenu.
Quant aux ensembles de logements sociaux réalisés avant 1994 avec des ententes de financement à long terme, ils ont continué de bénéficier de subventions fédérales, mais celles-ci prennent fin en même temps que leur hypothèque, au bout de 35, 40, voire 50 ans. En 2028, 81 % des HLM du Québec ne recevront plus d’argent du fédéral**.
Cependant, après de nombreuses pressions de locataires et de groupes en logement, dont le FRAPRU, en vue de protéger les locataires à faible revenu de ces ensembles contre d’importantes augmentations de loyer et pour permettre aux groupes de remettre leurs immeubles en bon état, le gouvernement fédéral a accepté de refinancer les groupes pour qu’ils puissent effectuer des travaux indispensables et prolonger de 10 ans les subventions au loyer.
Mais c’est loin d’être suffisant pour assurer la pérennité des projets de logements sociaux, particulièrement du parc HLM.
Plusieurs programmes dédiés aux « vieux » ensembles de logements sociaux sont inscrits dans la Stratégie canadienne sur le logement adoptée en 2017. Mais les coops et les OSBL d’habitation doivent en faire la demande; il est difficile de savoir combien s’en sont finalement prévalus et surtout, combien de locataires à faible revenu ont obtenu une prolongation de leur subvention au loyer.
Dans le cas des HLM, la Société d’habitation du Québec nous fournit un peu plus d’informations. En 2021,
21 283 n’étaient plus subventionnés par Ottawa; en 2025, 44 605 unités ne le seront plus. La SHQ estime qu’au terme de toutes les ententes fédérales-provinciales, son manque à gagner représentera 1,9 milliard $***.
Dans ses revendications budgétaires adressées à Ottawa, le FRAPRU réclame évidemment des investissements pour relancer la construction de logements sociaux; au moins 3 milliards $ par année pour tout le Canada. Mais il demande aussi qu’Ottawa reprenne et maintienne indéfiniment ses engagements à long terme envers les ensembles de logements sociaux construits avant 1994, afin que les immeubles résistent au temps et que des locataires à faible revenu puissent y demeurer indéfiniment.
Sources:
* Société d’habitation du Québec; août 2022.
** Ibid
*** Ibid
**** Rapport annuel 2021; Société canadienne d’hypothèques et de logement; pages 26 et 28.