Montréal, le 17 septembre 2021 – Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) se réjouit que, pour une rare fois, le logement ait été un des enjeux qui ont retenu l’attention durant la campagne électorale fédérale qui s’achève. Cependant, il déplore que le Parti libéral et le Parti conservateur, qui mènent dans les sondages, n’aient pas pris d’engagements clairs en faveur des personnes mal-logées, même si leurs discours pouvaient laisser croire qu’ils s’en préoccupaient. Le regroupement craint que les graves problèmes vécus par les 1,2 million de ménages locataires canadiens (dont 244 120 au Québec), qui ont des besoins impérieux de logement, ne soient banalisés.
« Les solutions mises de l’avant par les partis qui risquent de prendre le pouvoir lundi sont des incitatifs au marché privé pour construire et pour acheter », résume Véronique Laflamme, la porte-parole du FRAPRU. « Or, cela ne permettra pas aux locataires à faible et modeste revenus qui ont des besoins urgents de sortir de la crise », souligne-t-elle au moment où l’organisme publie son bulletin de fin de campagne, en attribuant à chacun des partis des notes pour leurs engagements en logement.
Parti conservateur du Canada – PCC (E) : échec sur toute la ligne !
Le parti dirigé par Erin O’Toole reconnaît qu’il « existe une crise du logement au Canada », mais il la réduit à une simple question d’offre. Les mesures de sa plateforme sont axées de manière disproportionnée sur l’accès à la propriété. Quant à son plan pour rendre le logement plus abordable, il se contente d’incitatifs au marché. Le PCC promet de construire 1 million d’habitations en trois ans, principalement en permettant aux propriétaires de logements locatifs de reporter l’impôt sur les gains en capital réalisés lors de la revente de leurs logements, s’ils le réinvestissent dans d’autres logements locatifs. Cela ne garantit en rien leur accessibilité financière aux ménages en difficulté. Le FRAPRU constate que le PCC dit vouloir améliorer l’Initiative des terrains fédéraux, qui prévoit déjà l’utilisation des terrains gouvernementaux excédentaires pour du logement abordable, mais sans préciser comment, ni à quels besoins, ces améliorations viseraient à répondre en priorité.
Parti libéral du Canada – PLC (D) : de l’aveuglement volontaire
La plateforme du parti dirigé par Justin Trudeau est clairement orientée vers l’accès à la propriété et sur la production de logements destinés aux familles de la classe moyenne. Elle ne fait aucune mention du logement social. On comprend qu’un gouvernement libéral réélu garderait le cap sur les programmes déjà prévus dans la Stratégie nationale sur le logement. Il fait ainsi fi des nombreuses critiques, même celles du Directeur parlementaire du budget qui prévoit que, sans dépenses supplémentaires, le nombre de ménages ayant besoin d’un logement véritablement accessible financièrement, augmentera[1]. Le Parti libéral dit vouloir construire ou rénover 250 000 logements de plus en 4 ans, dont 100 000 « nouvelles propriétés pour la classe moyenne ». Le seul ajout supplémentaire pour le logement « abordable » est un engagement à augmenter le financement du Fonds national de co-investissement, qui favorise le secteur à but lucratif. Par contre, le PLC ne s’engage pas à reconduire et rendre récurrente l’Initiative de création rapide de logement (ICRL), la seule dédiée à du logement hors marché-privé.
Bloc québécois (A-) : un soutien important pour du logement social au Québec
Dans sa plate-forme, le Bloc québécois reprend en partie les revendications portées par le FRAPRU et le milieu communautaire en itinérance. Le parti dirigé par Yves-François Blanchet propose « qu’Ottawa réinvestisse progressivement en logement social, communautaire et réellement abordable jusqu’à atteindre 1 % de ses revenus annuels totaux », ce qui correspond actuellement à 3,55 milliards $ par an. Cependant, ces fonds ne seraient pas dédiés uniquement au développement de logements sociaux, mais aussi aux logements sociaux réalisés par le passé. Le Bloc propose aussi « que le fédéral procède à un réaménagement financier des différents programmes découlant de la Stratégie nationale sur le logement pour créer un fonds d’acquisition » permettant aux coopératives et aux OBSL d’acheter des immeubles locatifs pour en faire des logements sociaux et ainsi préserver leur accessibilité financière.
Parti vert du Canada (A) : enfin, des engagements pour le logement social
Contrairement à ses dernières plateformes, le parti dirigé par Annamie Paul prend cette fois des engagements ciblant les locataires et parle clairement de logement social. Sa plateforme reprend plusieurs des demandes portées par la campagne Votez logement, à laquelle le FRAPRU a adhéré. Ainsi il propose de « construire et acquérir au moins 300 000 logements très abordables hors marché, en coopérative et sans but lucratif, sur une période de dix ans » – ce qui correspond grosso modo à la demande portée par le FRAPRU. Le Parti vert s’engage aussi à « protéger le parc existant de logements abordables en finançant l’achat d’immeubles par des organismes à but non lucratif et des coopératives de logement abordable ».
Nouveau parti démocratique – NPD (A) : promesse d’investissements ambitieux en logement social
Le parti de Jagmeet Singh promet de créer au moins 500 000 logements sociaux et abordables au cours des 10 prochaines années, dont 110 000 au Québec. Dans sa plateforme québécoise, il s’engage à investir « minimalement 3 milliards $ de plus par an en logements sociaux » pour le Canada. Depuis, Il a écrit que cette somme serait consacrée exclusivement à la création de nouvelles unités, ce qui correspond à la demande portée par le FRAPRU. Le NPD s’engage également à augmenter le financement pour l’entretien des HLM au Québec dans les 10 prochaines années. Il promet aussi d’utiliser les terrains fédéraux pour le logement social et abordable, précisant que les terrains du Bassin Peel, dans le Sud-Ouest de Montréal, le seront à cette fin. Enfin, le NPD est le seul à s’engager clairement à mettre pleinement en œuvre le droit au logement.
Le FRAPRU promet de se mobiliser
Quel que soit le résultat du vote, le prochain gouvernement devra rapidement réajuster le tir pour enrayer la crise du logement et assurer la réalisation progressive du droit au logement comme Ottawa s’est engagé à le faire dans la Loi sur la Stratégie nationale sur le logement adoptée en 2019. « Dans tous les cas, ça passe par des investissements supplémentaires en logement social », indique Véronique Laflamme, rappelant qu’il s’agit du seul moyen véritablement efficace pour mettre les gens vulnérables à l’abri de la spéculation immobilière, des évictions et ultimement, de l’itinérance ». Il surveillera avec intérêt le dénouement des élections et il invite d’ores et déjà les partis qui formeront l’opposition à talonner, comme lui, le prochain gouvernement et à faire du logement social une réelle priorité.
Pour une perspective historique sur l’évolution des interventions fédérales en habitation, on peut lire la brochure publiée par le FRAPRU en juin dernier.
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Pour informations :
Véronique Laflamme: 418 956-3403 (cell.)
[1] Voir à ce sujet les rapports du Directeur parlementaire du budget de 2021 et de 2019 sur les Dépenses fédérales de programmes consacrées à l’abordabilité du logement.