Les villes et villages sont aux premières loges des crises du logement, ayant notamment la responsabilité d’accompagner les locataires sans-logis sur leur territoire le 1er juillet. Ce sont elles aussi qui vivent les conséquences de la dégradation de leur tissu social quand leurs populations ne trouvent plus à s’y loger. Il n’est donc pas surprenant que le logement soit un des principaux enjeux des campagnes électorales en cours. Voyant le désespoir grandir et l’itinérance augmenter, le monde municipal interpelle ouvertement les gouvernements supérieurs sur le sujet.
Les municipalités peuvent contribuer à faciliter le développement de logements sociaux en achetant et en mettant en réserve des sites pour des futurs projets, ainsi qu’en imposant l’inclusion d’un pourcentage de logements sociaux, à la hauteur des besoins, dans les nouveaux développements résidentiels privés. Mais pour faire aboutir la construction de nouveaux logements sociaux sur leur territoire, entretenir ceux déjà bâtis et pour acheter des logements locatifs encore abordables, les rénover et les socialiser, elles ont absolument besoin du soutien financier des gouvernements fédéral et québécois. Pour que leur message passe, elles doivent se fixer elles-mêmes des objectifs clairs, ambitieux et les défendre énergiquement.
Urgence : protéger les logements locatifs encore abordables
Cependant, les municipalités n’ont pas nécessairement besoin des gouvernements supérieurs pour mieux protéger les locataires contre l’insalubrité, les évictions frauduleuses, les transformations de logements locatifs – notamment les maisons de chambres — en condos, en maisons unifamiliales ou en hébergements touristiques. Il est urgent qu’elles le fassent, car les logements encore abordables disparaissent vu l’insuffisance des protections contre les évictions de locataires et l’absence d’un contrôle réellement efficace et obligatoire des loyers.
Les villes doivent adopter et faire appliquer avec rigueur des règlements garantissant les droits des locataires et la conservation du parc de logements locatifs en bon état. Pourtant, à l’heure actuelle, la plupart n’ont même pas de code de salubrité ou ne l’appliquent pas sérieusement.
Une fiscalité à revoir
Les sources de revenu des municipalités sont relativement limitées et proviennent très majoritairement des taxes foncières. Dans un tel contexte, la spéculation immobilière peut s’avérer avantageuse pour leur permettre de trouver un équilibre budgétaire. Certaines vont même jusqu’à l’encourager.
Face à la spéculation immobilière qui mine le parc de logements locatifs encore abordables et à l’étalement urbain qui sacrifient les terres arables et les milieux humides, Québec doit revoir la fiscalité municipale enfin que les taxes foncières ne soient plus leur principale source de revenu. Il faut cependant éviter que les sources de revenu alternatives ne contribuent pas à aggraver les inégalités sociales (ce que ferait l’adoption d’une approche « d’utilisateur-payeur »).
La nécessité de l’habitation sociale doit être prise en compte dans l’aménagement du territoire
Bien qu’elles ne disposent pas de tous les leviers, les municipalités ont le pouvoir de déterminer ce qui peut ou ne peut pas être construit sur leur territoire. Elles adoptent leur propre plan d’urbanisme et leurs règlements de zonage, tout en ayant des obligations en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) et des orientations des paliers supérieurs.
Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation mène justement une consultation sur la Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires. Le FRAPRU y a pris part. Selon notre regroupement, le cadre actuel d’aménagement du territoire ne tient pas suffisamment compte de l’habitation et du droit au logement, alors que ces enjeux sont intrinsèquement liés. Les documents de consultations présentés par le gouvernement ne parlent que de logement « abordable », pas de logement social.
Pourtant, le premier est rarement accessible aux ménages ayant des besoins impérieux de logement et le suivant est dramatiquement rare et trop peu financé.
Selon le FRAPRU, il faut améliorer la LAU afin d’accorder des outils et des pouvoirs supplémentaires aux municipalités pour favoriser le développement de logements sociaux, comme le droit de préemption sur des sites vacants ou le droit de « zoner » des secteurs pour le logement social.
Les différents paliers de gouvernements se targuent de plus en plus de vouloir contribuer à rendre les communautés plus résilientes. Ce ne sera pourtant pas le cas si les mesures adoptées excluent ou ne tiennent pas compte de leurs effets sur les personnes à modeste et à faible revenus. Un bon exemple sont les mesures de verdissement ou les nouvelles infrastructures des transports sur rail, qui font grimper la valeur des terrains, des immeubles et des loyers, alimentant la spéculation immobilière et la gentrification des quartiers.
Les municipalités ne sont pas les principales responsables de la réalisation du droit au logement, mais elles ont tout intérêt à ce qu’il soit reconnu et qu’il progresse pour contrer les crises sociales. Leur pouvoir d’influence sur les gouvernements supérieurs est non négligeable et elles doivent afficher la volonté politique de protéger leurs résidents et résidentes vulnérables.