Par Bruce Gervais, coordonnateur de l’Association des locataires de l’Abitibi-Témiscamingue (ALOCAT)
Mobilisation, démocratie, vie associative. Voilà des principes, des actions, qui orientent et définissent depuis plusieurs décennies à la fois le comment et le pourquoi des luttes menées par les groupes de défenses de droits. Or, à l’ère d’une technologie qui sépare au lieu d’unir et de gouvernements qui font de même, l’idée collective semble de plus en plus durement mise à l’épreuve.
Les militants et militantes au coeur de l’action
« De tout temps, les personnes qui vivent directement les problèmes de logement ont été au coeur de notre organisation et de sa lutte », explique la coordonnatrice du FRAPRU, Marie-José Corriveau. « Cependant, je crois qu’aujourd’hui, nous devons faire particulièrement attention aux personnes qui n’ont pas accès aux nouvelles technologies de communication et qui sont plus que jamais menacées d’isolement », poursuit-elle. Il serait pourtant facile de penser que la technologie numérique et les réseaux sociaux soient des moyens de mobilisation rapides et efficaces. « C’est un leurre », dit Danik Laporte, agent sociopolitique au Regroupement d’éducation populaire d’Abitibi-Témiscamingue (RÉPAT). « Certains et certaines pensent que c’est la panacée comme moyen de communication mais non, parce que par la technologie, il n’y a pas de contact humain et ce sont nos expériencesd’humain qui font en sorte qu’on a envie de récidiver », ajoute-t-il.
Comme le mentionne la coordonnatrice du FRAPRU : « il n’y a jamais rien d’acquis. Il faut toujours faire des efforts pour que les militantes et les militants, de longue date ou nouvellement impliquéEs, s’approprient les enjeux. Il faut continuer d’utiliser les anciens moyens de mobilisation, qui ont fait leurs preuves, comme le téléphone et le tractage, pour leur permettre de rester engagéEs dans la lutte ».
De Montréal-Nord à l’Abitibi : même combat
Jacynthe Morin est organisatrice communautaire au Comité logement de Montréal-Nord dont l’équipe a mis sur pied, en 2011, le Comité Action Logement (CAL) qui consiste en un comité de mobilisation. « Dès le début, les membres avaient de nombreux projets qu’ils et elles souhaitaient concrétiser par le biais du CAL. Le premier projet a été d’organiser les célébrations du 10e anniversaire de l’organisme en 2012. Par la suite, les membres ont organisé une activité ou action par an. Mais, il y a constamment un travail à faire pour que les personnes soient présentes et pour recruter des membres. Cependant, par leur implication, il est clair que les membres sont devenuEs plus au fait des enjeux touchant le logement ; ils et elles défendent leur point de vue, représentent l’organisme dans des instances comme le FRAPRU et cette assurance, c’est en s’impliquant au CAL qu’ils et elles l’ont acquise ».
C’est l’implication qui place donc ces personnes au centre même du processus démocratique, selon Danik Laporte du RÉPAT. « Considérer la démocratie comme un vote au 4 ans, c’est d’en annoncer sa mort. C’est lorsqu’on la pratique qu’elle est vivante, c’est lorsqu’on l’exerce qu’on a le goût de l’exercer encore et encore ».
Alors que l’État se déleste de ses responsabilités en matière de justice sociale, laissant au corporatisme le soin de rassembler et aux médias la liberté de désinformer, l’idée citoyenne, tout comme celle de la Cité comme espace où intervenir, semble avoir perdu de son sens. C’est dire ce que valent nos efforts de mobilisation : garder des espace ouverts, là où accueillir, s’exprimer et s’intéresser seront toujours des engagements envers le respect des droits de toutes et de tous, envers l’équité et l’égalité.