Montréal, le 26 septembre 2023 – Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) adresse une sérieuse mise en garde, au moment de la parution de son huitième Dossier noir sur le logement et la pauvreté, basé sur l’analyse des données du dernier recensement de Statistiques Canada. Selon l’organisme de défense du droit au logement, la situation continuera de se dégrader au Québec, si les gouvernements n’adoptent pas rapidement des mesures ambitieuses en matière d’habitation. Le FRAPRU soutient que la généralisation et l’aggravation de la pénurie de logements locatifs, la hausse des loyers (qui a atteint une moyenne de 13 % en deux ans) et la multiplication des évictions de locataires ont profondément modifié le portrait, depuis que le recensement de 2021 dénombrait 173 000 ménages locataires québécois ayant des besoins impérieux de logement.
Le FRAPRU estime que ce nombre, aussi élevé soit-il, sous-estime grandement la réalité. Ainsi, il n’inclut pas 33 840 ménages engloutissant plus de 100 % de leur revenu en loyer, de même que les personnes itinérantes que le dénombrement du 11 octobre 2022 a chiffrées à au moins 10 000, en tenant uniquement compte de l’itinérance visible. Le regroupement ajoute surtout que les données du recensement sont basées sur les revenus de 2020 alors que les prestations d’urgence mises en place par les gouvernements pour soutenir les revenus des ménages aux premiers mois de la pandémie de COVID-19 ont provisoirement dopé les revenus d’un grand nombre de locataires.
« Ça démontre que les gouvernements ont la capacité d’agir quand ils s’en donnent les moyens », s’exclame Véronique Laflamme, porte-parole de l’organisme, en ajoutant que « c’est de manière permanente qu’il faut améliorer la situation des ménages locataires, ce qui nécessite l’adoption de mesures structurantes en termes de logement social et de contrôle sur les pratiques du marché privé de l’habitation ».
Une détérioration rapide
Selon le FRAPRU, plusieurs indices permettent de constater l’aggravation actuelle de la situation. Ainsi, le taux de logements locatifs inoccupés n’est que de 1,7 % à l’échelle du Québec. C’est le plus bas pourcentage depuis près de vingt ans. De plus, sur les 45 centres urbains québécois, 28 ont un taux d’inoccupation inférieur à 1,0 %, soit trois fois moins que la normale.
La pénurie de logements locatifs s’accompagne d’une hausse rapide des loyers qui, de 2020 à 2022, sont passés de 844 $ à 952 $ à l’échelle du Québec. Quant aux logements disponibles à la location, le loyer moyen atteint 1272 $ dans la région métropolitaine de Montréal, 1312 $ dans celle de Québec et 1450 $ à Gatineau.
Le FRAPRU rappelle enfin que le nombre d’évictions forcées de locataires s’accroit aussi à un rythme inquiétant. Il cite les statistiques du Tribunal administratif du logement montrant que le nombre de plaintes introduites ou relancées pour des reprises de logements a augmenté de 71 % entre 2020 et 2022. Il rappelle aussi que le récent dénombrement québécois des personnes en situation d’itinérance visible révèle que les expulsions représentent maintenant la principale raison qu’elles évoquent pour la perte de leur dernier logement (23 %).
Véronique Laflamme estime que « loin d’être temporaires, ces phénomènes risquent de s’aggraver ». Déjà, la SCHL prévoyait une hausse supplémentaire des loyers de l’ordre de 10 % dans la région métropolitaine de Montréal, en 2023.
Une réalité déjà sombre
Le Dossier noir sur le logement et la pauvreté publié par le FRAPRU montre que la réalité était déjà sombre pour bien des locataires, malgré l’embellie largement due aux mesures de soutien au revenu adoptées lors de la pandémie. Ainsi, selon les données du recensement, 373 615 ménages consacraient déjà plus de 30 % de leur revenu au loyer, avec un revenu annuel médian de 23 800$, dont 128 795 plus de 50 % et 49 895 plus de 80 %, avec un revenu respectif de 16 800$ et 9 900$ par année. « Il est évident qu’avec un tel taux d’effort et niveau de revenu, ces ménages doivent couper dans des dépenses pourtant essentielles, telle que la nourriture, afin d’être en mesure de payer le loyer. Pour les plus mal pris, c’est carrément l’itinérance qui les guette. », s’inquiète la porte-parole du FRAPRU. Les catégories les plus durement touchées sont les personnes seules qui représentent maintenant 52 % des ménages locataires, ainsi que les femmes, les jeunes de 15 à 24 ans et les personnes âgées de 65 ans et plus. De plus, 107 535 ménages locataires habitent dans des logements ayant besoin de réparations majeures et 98 765 dans des logements surpeuplés, ces problèmes étant encore plus criants chez les Autochtones et les personnes issues de l’immigration.
Les gouvernements interpelés
Compte tenu de l’urgence de la situation, le FRAPRU lance, aujourd’hui même, une importante campagne offensive intitulée « Au Front pour le logement social ». Elle vise à obtenir du gouvernement québécois le financement suffisant d’un programme de logement social, complet, pérenne et dédié uniquement au logement social. À quelques semaines de la mise à jour économique et de la présentation d’un plan d’action en habitation par le gouvernement caquiste, la campagne prendra d’abord la forme d’une tournée d’actions, durant laquelle les données locales et régionales du Dossier noir seront diffusées.
Le jeudi 5 octobre, le FRAPRU interpellera aussi le gouvernement fédéral de Justin Trudeau pour le presser de cesser de dilapider les milliards $ de sa Stratégie nationale sur le logement dans des initiatives qui, pour l’essentiel, ne répondent en rien aux besoins des ménages ayant des besoins impérieux de logement et les sans-abris, pour plutôt concentrer ses investissements sur le logement social.
« Il est plus que temps que les gouvernements assument pleinement leurs responsabilités à l’égard du droit au logement », conclut Véronique Laflamme.
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Pour plus d’informations
Véronique Laflamme (418) 956-3403 (cellulaire)