Le 1er octobre dernier, lors des élections générales au Québec, les cartes ont été rebrassées avec l’arrivée au pouvoir de la Coalition Avenir Québec. Comme dans plusieurs autres secteurs, les intentions du gouvernement en matière de logement demeurent incertaines, voire inquiétantes. Une chose est claire, le FRAPRU n’attendra pas les bras croisés.
Tout au long de la campagne, et malgré une mobilisation historique en faveur du droit au logement, le parti qui forme le nouveau gouvernement n’a pas su saisir l’urgence de la crise vécue à tous les mois par les 244 120 ménages locataires du Québec qui ont des besoins impérieux de logement. Pire, il a été le seul à ne pas prendre l’engagement de programmer la réalisation de nouveaux logements sociaux. François Legault a toutefois nommé une ministre responsable de l’habitation. Le FRAPRU espère que cela traduit l’importance qu’il accordera finalement aux dossiers logement. Le signal en sera donné si, rapidement, il va de l’avant avec l’indexation du programme AccèsLogis, attendue depuis des mois. En campagne électorale, la CAQ a pris comme seul engagement de livrer pendant le présent mandat les 12500 logements sociaux déjà annoncés par les gouvernements antérieurs, mais pas encore réalisés. Pour y arriver, elle doit passer rapidement à l’action en rajoutant les sommes requises. Au moment d’écrire ces lignes, on ne sait pas si elles seront prévues dans la mise à jour économique et financière du 3 décembre.
Cependant, ce seul ajustement du programme AccèsLogis ne suffira pas. Afin de permettre la réalisation de logements sociaux plus rapidement, partout sur le territoire québécois, pour répondre aux besoins les plus urgents, et faciliter notamment leur développement sous forme d’achat-rénovation d’immeubles existants, il faut relancer sans attendre un plan pluriannuel et ambitieux de développement du logement social.
Avec des surplus qui se comptent en milliards de dollars et les sommes importantes promises par le fédéral dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le logement, Québec n’a jamais été en aussi bonne posture pour réinvestir suffisamment, surtout s’il abandonne son projet de diminuer encore la contribution des entreprises et des particuliers aux finances publiques. Oui, un grand coup de barre est possible pour faire progresser le droit au logement au Québec!
À moins d’un an d’une campagne électorale fédérale : beaucoup reste à faire
Le décompte vers les élections générales fédérales, qui se tiendront dans moins d’un an, est déjà lancé.
Malgré les nombreuses consultations tenues par les Libéraux de Justin Trudeau et l’adoption de la première Stratégie canadienne sur le logement, l’an passé, peu de chose ont changé pour les ménages locataires mal-logés.
Non seulement la majorité des sommes allouées par Ottawa pour la Stratégie ne sera dépensée qu’après les élections de 2019, mais aucune enveloppe n’y est directement réservée pour le développement du logement social. Les ménages locataires des logements sociaux déjà construits et toujours subventionnés par le fédéral, dont les HLM, n’ont, pour leur part, obtenu qu’un sursis de 10 ans. Malgré ses promesses, le gouvernement Trudeau ne s’est engagé pour l’instant à maintenir leurs subventions au loyer que jusqu’en 2028. Enfin, on attend toujours la reconnaissance formelle du droit au logement dans une loi, comme s’y sont engagés les libéraux.
Pour réaliser sa promesse « que les Canadiens de l’ensemble du pays aient accès à des logements abordables qui répondent à leurs besoins », le gouvernement fédéral doit financer adéquatement le logement social. Lui seul permet de garantir un logement de qualité convenable et véritablement abordable aux ménages à faible ou à modeste revenus, cela de façon durable.
À Ottawa, comme à Québec, ce n’est pas un manque d’argent, mais un manque de volonté politique qui empêche l’amélioration des conditions désastreuses de logement dans lesquelles vivent des milliers de personnes. S’il en fallait une preuve supplémentaire : le cadeau récent de 2,3 milliards $ fait à Chrysler pour éponger sa dette. Cette somme correspond à peu près au montant annuel revendiqué par le FRAPRU au fédéral, pour le logement social. Malgré les beaux discours du premier ministre Trudeau et du ministre responsable de l’habitation, Jean-Yves Duclos, l’histoire se répète : les entreprises et les plus fortunés passent à la caisse, alors que les personnes mal-logées croupissent dans des conditions inacceptables.
Pendant ce temps, dans plusieurs quartiers et localités du Québec, comme on a pu le voir dans l’actualité récente, des locataires sont considéréEs indésirables par des propriétaires qui voient leurs logements et leurs quartiers comme une opportunité d’affaire. Un trop grand nombre de ménages locataires à faible revenu sont laissés à eux-mêmes, notre société n’ayant d’autres solutions à leur proposer que d’aller grossir les listes d’attente des habitations à loyer modique (HLM) et les gouvernements n’ayant développé que 700 nouveaux logements coopératifs ou sans but lucratif l’an dernier. Les données du 7e Dossier noir sur le logement et la pauvreté publié cette année par le FRAPRU démontrent une fois de plus qu’il faut se préoccuper de toute urgence du sort de ces personnes dont plusieurs sont chassées de leurs milieux de vie. Dans ces conditions, une reconnaissance formelle du droit au logement, même si elle ne remplace pas le financement adéquat des politiques sociales, pourrait minimalement augmenter la pression en faveur de résultats concrets et nous assurer que le prochain changement de gouvernement ne sera pas l’occasion de reculer encore.
Par Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU