L’Association des locataires de Sherbrooke et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) joignent leurs voix pour réclamer que tous les paliers de gouvernement prennent la mesure de l’ampleur des problèmes de logement vécus en Estrie et adoptent sans tarder des politiques susceptibles de s’y attaquer résolument. Cette demande a été faite à l’occasion de la présentation à Sherbrooke du rapport de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement qui dresse un portrait inquiétant de la situation de l’habitation au Québec et en Estrie en particulier.
Rédigé au terme d’une consultation indépendante qui a permis d’entendre les témoignages de 361 groupes et individus dans les 17 régions administratives du Québec, le rapport de la Commission populaire itinérante fait plusieurs observations et recommandations qui rejoignent les préoccupations entendues dans la vingtaine de témoignages présentés lors de l’audience tenue à Sherbrooke, le 13 novembre.
Normand Couture, coordonnateur de l’Association des locataires de Sherbrooke, rappelle qu’une de ces préoccupations est le lien étroit entre les problèmes de logement et de pauvreté. Il se réjouit que « la première recommandation des 14 commissaires indépendants soit la bonification substantielle des mesures de protection sociale, dont l’aide sociale qui doit absolument être rehaussée pour couvrir tous les besoins des personnes, de même que l’augmentation du salaire minimum ».
La hausse des loyers a également retenu l’attention des commissaires qui en démontrent les effets sur les ménages à faible et modeste revenus qui doivent couper dans leurs autres besoins essentiels comme la nourriture, se résigner à la cohabitation forcée avec d’autres personnes ou familles ou encore s’éloigner des centres urbains pour arriver à se loger à un meilleur coût. Normand Couture explique que le loyer moyen d’un logement d’une chambre à coucher est de 466 $ par mois à Sherbrooke, alors que la prestation mensuelle de base à l’aide sociale atteint à peine 604 $ : « Ça signifie que 77 % du revenu des personnes assistées sociales passent en moyenne en loyer, alors que la norme généralement admise est de 30 % ». Le rapport évoque le témoignage entendu d’une femme de Sherbrooke avouant n’avoir eu aucun autre choix que de se prostituer pour arriver à payer son loyer.
Les problèmes de discrimination au moment de la recherche d’un logement, d’abus vécus par les locataires ou encore d’itinérance, soulevés lors de l’audience de Sherbrooke, trouvent aussi écho dans le rapport. Normand Couture note également que la faiblesse des recours légaux dont disposent les locataires à la Régie du logement fait l’objet de plusieurs critiques de la part des commissaires qui recommandent la révision de toute urgence du mandat et de la gestion de la Régie.
Et le logement social ?
Jean-Claude Laporte, porte-parole du FRAPRU, souligne que le rapport s’attarde aussi sur plusieurs autres problèmes concernant l’Estrie, dont le manque de logements sociaux et la fin des subventions fédérales à ceux qui existent déjà.
Il rappelle qu’« en Estrie seulement, près de 1 300 ménages sont sur la liste de l’Office municipal d’habitation pour entrer dans un HLM, alors que le financement de ce type de logements est fini depuis bientôt vingt ans ». Il ajoute qu’« il ne s’agit pourtant que d’une partie des ménages qui ont besoin d’un logement social, beaucoup ne s’inscrivant pas à l’Office, parce qu’ils sont convaincus qu’ils n’y auront jamais accès ». Il ajoute que « ce n’est pas en annonçant 3 000 logements sociaux à l’échelle de tout le Québec, comme le gouvernement québécois l’a fait dans son dernier budget, qu’il sera en mesure de répondre à tout l’ampleur et à toute l’urgence des problèmes de logement ». Il précise que le rapport Urgence en la demeure déplore qu’à peine 11 % des logements locatifs du Québec soient des logements sociaux et recommande que la construction de ce type de logements échappant à la logique du profit soit augmentée de toute urgence.
M. Laporte affirme que la Commission populaire itinérante a aussi prêté l’oreille aux préoccupations émises en Estrie quant à la nécessité que le gouvernement fédéral poursuive ses subventions à long terme aux logements sociaux existants : « Sur les 1 250 logements coopératifs de l’Estrie, 10 % ont déjà vu leurs subventions fédérales se terminer et les autres seront touchés au cours des prochaines années. Ce sont les locataires à plus faible revenu qui sont les victimes de cet arrêt des subventions, puisqu’il signifie du même coup la fin de l’aide financière additionnelle qui permet à ces locataires de payer un moindre loyer que les autres à revenu un peu plus élevé. Pour une partie de ces locataires, ça peut signifier une hausse de 100 $, 200 $ ou même 300 $ par mois. » Il ajoute que 1 158 locataires HLM seront aussi affectés quoique plus tardivement par la fin des subventions fédérales.
En conclusion, le FRAPRU cite deux autres recommandations de la Commission, soit l’adoption d’une politique nationale du logement par le gouvernement québécois et l’inclusion du droit au logement dans la Charte québécoise des droits et libertés. Selon Jean-Claude Laporte, « les problèmes identifiés dans le rapport de la Commission populaire sont autant de violations du droit au logement qui ont des répercussions sur l’exercice d’autres droits dont celui à l’alimentation, à la santé, à la sécurité ou encore à l’égalité ».