«Si je n’ai plus la subvention à partir de 2016, mon loyer passera de 500 $ à 745 $ par mois. C’est beaucoup d’angoisse pour les personnes qui vivent la situation et qui ne savent pas ce qui va arriver.
D’autres personnes de ma coop viennent me voir parce qu’elles vivent aussi de l’angoisse. Et là, on parle d’une seule et même coopérative.» – Stéphanie Michaud, membre de la coopérative Grandir en ville, à Québec
L’année 2015 est cruciale dans le dossier de la fin des subventions à long terme que le gouvernement fédéral continue de verser à 565 850 logements sociaux dont la réalisation a été annoncée avant le 1er janvier 1994. Parmi ces logements, 125 500 sont situés au Québec.
Davantage de logements touchés
Un nombre beaucoup plus grand de logements sera touché en 2015 que ce ne fut le cas au cours des dernières années. À l’échelle du Canada, 25 000 logements ne recevront plus de subventions à long terme de la part du gouvernement fédéral. Au Québec, ce sera notamment le cas de 2032 logements, regroupés dans 88 coopératives d’habitation. Même si les chiffres ne sont pas publics, on peut penser qu’un nombre important de logements gérés par des Organismes sans but lucratif (OSBL) sera aussi affecté à court terme.
La plupart de ces logements ont été réalisés en vertu d’un programme fédéral baptisé Article 95 (autrefois 56,1)[1]. Ce programme permet depuis des décennies aux organismes concernés de recevoir directement des subventions de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Depuis plusieurs années déjà, ces subventions servent exclusivement à accorder une aide supplémentaire aux locataires à plus faible revenu qui demeurent dans une partie des logements. Cette aide leur permet de payer 100 $, 200 $, 300 $, 400 $ de moins par mois que les autres locataires.
La fin des subventions fédérales se répercutera donc directement sur le loyer payé par ces ménages. Les coopératives et les OSBL n’auront plus d’argent à leur redistribuer, de sorte qu’ils devront dorénavant payer le même loyer que les autres locataires. Le coût réel de leur logement pourrait doubler ou tripler. Les logements eux-mêmes seront, du même coup, moins accessibles financièrement pour les ménages à faible revenu qui aspirent à y demeurer.
À terme, 37 500 logements coopératifs et sans but lucratif du Québec auront été affectés par la fin des subventions qu’elles reçoivent directement de la SCHL, dont au moins la moitié entre 2015 et 2020. La grande majorité de ces logements ont été réalisés avec l’Article 95.
Danger en vue
Comme si ce n’était pas suffisant, 88 050 logements sociaux additionnels, ceux-là sous la responsabilité du gouvernement québécois, perdront aussi les subventions reçues d’Ottawa. Il s’agit de tous les HLM, de même que de logements coopératifs, sans but lucratif et même privés qui ont tous en commun de s’adresser exclusivement à des ménages à très faible revenu. Le Québec reçoit présentement 333 millions $ par an d’Ottawa pour ces logements. Cette somme se réduira graduellement, au fur et à mesure de l’extinction des subventions. La facture du gouvernement québécois grossira d’autant. Il cherchera assurément des moyens de la réduire, lorsqu’elle lui apparaîtra trop importante. La hausse des loyers des locataires des logements sociaux pourrait alors être envisagée et même la privatisation d’une partie du parc de logements sociaux.
Dans le cas de ces logements, le danger est cependant moins imminent, l’effet de la fin des subventions fédérales ne devant réellement se faire sentir que vers la fin de la décennie 2010.
Des élections
L’année 2015 est également cruciale, en raison de la tenue d’élections fédérales. Le gouvernement conservateur de Stephen Harper, qui s’est montré intraitable dans le dossier des fins des subventions aux logements sociaux existants, pourrait être renversé, ce qu’il ne faut cependant pas prendre pour acquis. Une lueur d’espoir pourrait ainsi se présenter pour la poursuite des subventions fédérales, mais à condition que les partis qui aspirent au pouvoir, le Parti libéral du Canada et le Nouveau parti démocratique, aient pris des engagements clairs en ce sens.
Compte tenu de l’urgence de la situation, c’est le plus rapidement possible que les partis doivent faire connaître leurs engagements. Le Nouveau parti démocratique de Thomas Mulcair a commencé à le faire sur d’autres enjeux, pourquoi n’agirait-il pas de même en habitation? Quant au Parti libéral du Canada, il a été particulièrement silencieux sur ce dossier, depuis l’arrivée de Justin Trudeau à sa tête.
Chose certaine, le FRAPRU, lui, ne restera pas inactif. Tout en continuant ses pressions sur le gouvernement Harper, il entend talonner les autres partis, tant et aussi longtemps que leurs chefs n’auront pas pris des engagements officiels.
[1] Il s’agit des numéros correspondant dans la Loi nationale sur l’Habitation.
Photo: Renouveler les subventions, c’est devenu une urgence (photo : François Roy).