La crise du logement est devenue un sujet brûlant. Pourtant, le gouvernement du Québec s’obstine à ne pas y répondre adéquatement. Pour la première fois en 25 ans, aucun programme dédié au logement social n’est en place. Malgré l’urgence, aucune prévisibilité pour sa réalisation sur plusieurs années n’est envisagée.
Malgré leur multiplication dans les derniers mois, les annonces du gouvernement Legault ont été peu convaincantes. Celles de mises en chantier, même si on doit s’en réjouir, concernent pour la plupart des logements sociaux déjà prévus avant l’arrivée de la CAQ au pouvoir. D’ailleurs, 8000 (sur 15 000) de ces logements, que François Legault avait promis de construire durant son 1er mandat, ne le sont toujours pas.
Pendant ce temps, après 2 ans d’existence, ce sont à peine 570 logements qui sont en voie de réalisation dans le programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), qu’on promettait pourtant mieux adapté qu’AccèsLogis. Des dizaines de logements sociaux récemment annoncés sont déjà menacés de se voir retirer le financement gouvernemental, parce qu’ils n’ont pas signé de contrat avec un entrepreneur en construction, dans les 12 à 18 mois, suivant leur sélection. Même s’il finance jusqu’ici majoritairement des logements sociaux, le PHAQ est avant tout pensé pour le privé. Non seulement les contributions gouvernementales sont insuffisantes et complexifient les montages financiers, mais les exigences imposées aux projets des offices, des coopératives et d’OSBL d’habitation sont trop contraignantes. Face à l’ampleur des besoins, la lenteur du développement du
logement social est alarmante.
TOUJOURS PAS DE PRÉVISIBILITÉ
La mise à jour économique de novembre prévoyait le financement de 8000 nouveaux logements sociaux et abordables, pour lesquels 4000 suppléments au loyer sont réservés, suite à une entente avec Ottawa. Un pas dans la bonne direction, mais sans programme adéquat pour les développer et sans garantie d’être réservés au secteur sans but lucratif, les incertitudes perdurent.
Au moment où il faudrait accélérer la cadence, le dernier budget québécois n’a pas prévu de financement pour de nouveaux logements sociaux. Pourtant, la moitié des unités prévues dans la mise à jour économique sont déjà réservées. En s’entêtant à refuser davantage de prévisibilité, le gouvernement fragilise le développement de sites publics destinés au logement social, ou récemment acquis à cette fin par les municipalités.
UN RÉGIME À 2, VOIRE 3 VITESSES
À la veille du 1er juillet 2022, le Québec a confié 350 millions $ à des Fonds fiscalisés, pour la réalisation de 2000 unités de logements sociaux et abordables, à partir de leurs propres programmes. Doublant l’investissement gouvernemental, ils peuvent procéder, sans appels de projets et selon des critères peu transparents. Depuis, 500 unités de plus leur ont été attribuées.
En février dernier, le gouvernement a annoncé un nouveau partenariat avec un OSBL mis sur pied par la fondation du Groupe Maurice. 1000 unités sur les 8000 de la mise à jour économique lui ont été accordées. Mission Unitaînés prendra en charge le développement des logements, tous sociaux ou communautaires, dans les villes hôtes sélectionnées par le philanthrope. Sans hypothèque à payer, le montage financier semble garantir des loyers en dessous des prix du marché. Les
gouvernements du Québec et du Canada investissent la part du lion (autour de 235 M$), la contribution des municipalités
est moins importante que celle exigée dans le PHAQ et le philanthrope assure un fonds de réserve de 500 000 $ par
projet. Des chantiers sont promis dès cet été. La question se pose : pourquoi ne pas prévoir des conditions similaires dans un
programme gouvernemental ?
Pendant ce temps, les communautés qui espèrent réaliser des logements sociaux et communautaires ne peuvent plus faire leurs demandes en continu. Malgré les annonces de la mise à jour économique, aucun nouvel appel de projets pour le PHAQ n’a eu lieu depuis juin. Les demandes répétées d’un programme dédié au logement social sont restées lettre morte. Soit la volonté de développer rapidement ces unités manque, soit elles sont destinées à d’autres stratégies…
LA CLÉ, C’EST LE LOGEMENT SOCIAL !
La situation s’est détériorée parce que le gouvernement caquiste refuse depuis 5 ans de mettre en place les mesures structurantes
qui auraient pu faire une différence. Il serait scandaleux que la crise devienne un prétexte pour imposer des
politiques néolibérales, désengageant l’État du financement du logement social. Normaliser la soustraitance de programmes à des acteurs privés crée un dangereux précédent.
S’il est déposé un jour, le plan d’action gouvernemental en habitation doit avoir pour colonne vertébrale un objectif ambitieux de développement et le financement pluriannuel de logements sociaux. Augmenter substantiellement la part de logements sociaux sous forme de HLM, d’OSBL et de coopératives d’habitation au sein du parc locatif est une condition nécessaire à une sortie de crise.