La pandémie a aggravé le sort des personnes mal-logées les plus pauvres et mis en lumière les liens étroits et indissociables entre santé et droit au logement.
Depuis plusieurs années, le FRAPRU s’efforce de lutter contre la crise du logement vécue par les locataires qui consacrent une part disproportionnée de leur revenu pour se loger ou qui occupent des logements trop petits ou délabrés. Lors du dernier recensement de Statistique Canada, en 2016, pas moins de 244 000 ménages locataires québécois étaient dans cette situation. La pénurie sérieuse de logements locatifs des dernières années a rendu la situation dramatique et la pandémie a encore empiré les choses.
La fracture numérique accentuée par la pandémie, a rendu encore plus difficile la recherche de logement et l’accès à l’information, notamment sur l’aide d’urgence pour les locataires craignant de se retrouver sans-logis. En plus, elle est arrivée tardivement. L’absence de mesures de protection adéquates a laissé plus de place aux abus de propriétaires. Ils ont, entre autres, profité de l’incertitude vécue ce printemps par les locataires n’ayant pas renouvelé leur bail pour exiger des augmentations insensées de loyer.
Le confinement a également mis à mal, parfois gravement, la santé physique et-ou mentale des locataires vivant dans des logements insalubres, ou encore surpeuplés. Pour les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes, les personnes souffrant de maladie chronique ou dont le système immunitaire est déficient, l’exposition prolongée à un environnement insalubre est extrêmement dangereuse. Alors que le surpeuplement de nombreux logements, lié au manque de grands logements et la cherté de ceux-ci, a déjà en temps normal de graves effets sur la santé physique et mentale, le confinement a eu des conséquences aggravantes.
Le manque d’espace et d’intimité a notamment des conséquences sur le développement et la scolarisation des enfants. La pénurie et la pandémie ont également condamnés les femmes victimes de violence conjugale à rester avec leur agresseur. Les mesures de distanciation physiques ayant entraîné une diminution des places dans les maisons d’hébergement, déjà pleines.
Les files d’attente devant les banques alimentaires témoignent quant à elles des conséquences d’une aide sociale insuffisante et de l’absence d’alternatives pour pallier la cherté du parc locatif. Un grand nombre de personnes ont subi des pertes de revenu et celles vivant en situation de pauvreté ont dû faire face à des dépenses supplémentaires tout en ayant un accès fort restreint, voire inexistant, aux mesures d’urgence comme la prestation canadienne d’urgence (PCU) et aux ressources communautaires habituelles. En août dernier, selon l’Observatoire sur les inégalités, le nombre de demandes en aide alimentaire au 211 était près du double en comparaison au mois de février.
Les mesures de confinement ont mis carrément à la rue des gens qui vivaient jusque-là des situations d’itinérance cachée, souvent des jeunes et des femmes. Les refuges pour personnes itinérantes de plusieurs villes débordaient déjà avant la diminution du nombre de places en raison des mesures sanitaires. Les lits d’urgence sont insuffisants pour répondre aux besoins et les campements de sans-abri se multiplient.
La crise sanitaire l’a encore démontré : le logement est un déterminant important de la santé. Pourtant, le droit au logement des locataires les plus vulnérables est plus que jamais compromis. La deuxième vague actuellement en cours et l’arrivée de la saison froide nous rappellent les aléas auxquels sont soumis les personnes n’ayant pas de logement permanent et l’urgence que les gouvernements fassent du mal-logement et de l’itinérance de réelles priorités. La fin de certaines prestations d’urgence et la crise économique qui se dessine vont augmenter le nombre de personnes à risque d’être évincées, incapables de payer leurs loyers. La crise sanitaire doit absolument être saisie comme une occasion de renforcer le filet social en habitation. Pour ce faire, il faut un plan ambitieux à court et à moyen termes.