Montréal, le 13 mars 2025 – Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) se réjouit du lancement du Fonds canadien de protection des loyers. Le regroupement espère que cette initiative incitera enfin le gouvernement québécois à mettre en place son propre programme d’acquisition de logements pour les sortir du marché spéculatif. Partout au Québec, l’effritement rapide du parc de logements locatifs encore abordable signale l’urgence d’agir et doit figurer dans les priorités budgétaires du gouvernement Legault, insiste le FRAPRU.
Le Fonds canadien de protection des loyers, promis lors du budget fédéral 2024, donne suite aux propositions de groupes qui, comme le FRAPRU, s’inquiètent de la perte de logements abordables et de la financiarisation grandissante du logement. Le FRAPRU demande depuis plus de 15 ans aux gouvernements successifs de se doter d’un tel programme afin de protéger les logements locatifs encore abordables contre la spéculation immobilière. « Nous pressons le gouvernement Legault d’agir en ce sens depuis son arrivée. Nous espérions en vain que son plan d’action en habitation, annoncé tardivement inclurait un programme de protection des loyers. Le lancement d’un fonds fédéral est l’occasion pour le Québec de d’utiliser la part du financement qui lui revient pour lancer son propre programme et de mettre à jour sa stratégie, présentée comme évolutive » insiste Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.
Selon l’organisme, qui met de l’avant la perspective de faire passer la part occupée par le logement social sur le parc locatif québécois de 11% à 20% en 15 ans, la socialisation de logements privés existants est une des mesures à mettre en place. En effet, un programme d’acquisition permettrait à des coopératives, des OSBL, des Offices municipaux d’habitation (OMH) et des municipalités de sortir du marché spéculatif des logement privés, incluant des résidences pour ainés (RPA).
« Un programme québécois devrait offrir les ressources nécessaires aux organismes et aux municipalités pour inspecter les logements, les acquérir et effectuer les travaux nécessaires de remise aux normes. Il doit également prévoir des suppléments au loyer en quantité suffisante pour garantir le maintien dans les lieux des locataires qui y demeurent déjà, de même que pour ceux qui viendront y vivre dans l’avenir », explique Véronique Laflamme.
Avec un programme adéquat, l’acquisition d’immeubles locatifs ou le recyclage de sites non résidentiel (ex. : entrepôt, bâtiments patrimoniaux et-ou religieux, etc.) à des fins de logement social et communautaire permet d’améliorer les conditions de logement des locataires déjà sur place et d’assurer à long terme que les prix des loyers restent abordables pour les ménages à faible et à modeste revenus, tout en augmentant l’offre de logements répondants à la capacité de payer des ménages.
Dans les dernières années, face à la spéculation immobilière, certaines municipalités, comme Montréal, ont acquis des immeubles locatifs pour les sortir du marché. Des organismes sans but lucratif ont aussi acheté des dizaines de logements. Cependant, sans programme québécois, le nombre d’acquisitions est trop limité pour avoir un effet réellement structurant. Pire, des projets sans but lucratif sont forcés de compter sur une multitude de bailleurs de fonds. Dans les circonstances actuelles, la complexité de leur montage financier les expose particulièrement aux impondérables du marché.
Un programme urgent pour préserver ce qu’il reste d’abordabilité
En se basant sur les plus récentes données de la SCHL, le FRAPRU constate que le loyer moyen au Québec est passé de 760 $ par mois depuis la pénurie de logements locatifs en octobre 2018, à 1119 $ six ans plus tard, soit une hausse de 47,2 %. À Gatineau où le coût du logement atteint 1329 $ par mois, le plus élevé au Québec, la hausse a été de 10,9 % en 2024 et de 72,6 % en six ans. À Sherbrooke, ces pourcentages sont respectivement de 8,5 % et 60,5 %. Dans les centres urbains où les loyers étaient traditionnellement plus bas, ils ont connu une forte hausse en à peine deux ans. Ainsi, dans la région métropolitaine de Saguenay, le loyer est passé de 686 $ par mois en 2022 à 846 $ en 2024, un accroissement de 23,3 %. À Trois-Rivières, le loyer mensuel moyen est de 850 $ marquant une augmentation de 23,7 % par rapport à 2022. Cette tendance est extrêmement inquiétante pour le FRAPRU, puisque les revenus y demeurent plus bas que dans les autres régions métropolitaines.
Déjà les données du Recensement de 2021 confirmaient la perte de 116 000 logements locatifs abordables ayant un loyer inférieur à 750 $ par mois entre 2016 et 2021. Les logements privés récemment construits contribue à tirer rapidement vers le haut le prix des loyers, tout comme les hausses majeures de loyer aux changements de locataires, en l’absence d’un registre public et d’un contrôle universel des loyers.
À deux semaines du dépôt du budget québécois, le FRAPRU presse de nouveau le gouvernement Legault de mettre fin au financement au compte-gouttes des logements sociaux à chaque exercice budgétaire. C’est pourquoi il réclame le financement annuel d’au moins 10 000 logements sociaux, sous forme de coopératives, d’organismes sans but lucratif en habitation ou d’habitations à loyer modique (HLM), autant en construction neuve qu’en acquisition, pour garantir que les 56 000 logements qu’il veut voir construits annuellement avec la nouvelle stratégie gouvernementale en habitation ne soient pas tous hors de prix.
Selon le FRAPRU, le gouvernement fédéral, qui s’est beaucoup vanté de ses efforts en habitation, pourrait aussi faire beaucoup mieux en réaffectant vers le secteur sans but lucratif l’ensemble des milliards de dollars prévus dans sa Stratégie nationale sur le logement. Le regroupement promet d’être actif durant la campagne électorale fédérale imminente et a déjà interpellé les principaux partis en lice pour qu’ils prennent des engagements à la hauteur de la crise dans leurs plateformes électorales. À court terme, le regroupement pour le droit au logement fera des représentations pour que le nouveau Fonds canadien de protection des loyers ait des balises claires concernant l’abordabilité immédiate des logements qui seront sortis de la spéculation et qu’une priorité soit accordée aux projets sans but lucratifs ayant une gouvernance démocratique et un contrôle public ou communautaire.
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Informations :Véronique Laflamme, FRAPRU: (514) 522-1010 (bureau) ; (418) 956-3403 (cellulaire)