Québec, le 16 février 2023 – Alors que les crises du logement vécues par les locataires s’enracinent dramatiquement et que les mesures structurantes pour en sortir se font attendre, la maquette d’un char allégorique, illustrant les besoins urgents de logements sociaux partout au Québec, a été déposée devant l’Assemblée nationale, au terme d’une manifestation du FRAPRU. Près de 400 locataires et personnes alliées d’organismes communautaires en provenance notamment de Montréal, Sherbrooke, Québec, Trois-Rivières, Joliette, Rawdon, Saint-Gabriel-de-Brandon et Sorel ont ainsi marché dans les rues de la capitale pour demander au gouvernement Legault de financer le logement social, à la hauteur des besoins, dans son prochain budget.
Les plus récentes données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) confirment que la situation du marché locatif se détériore rapidement au Québec. Le taux d’inoccupation à l’échelle de la province, de 1,7%, est à son plus bas depuis 2004. Les logements à plus bas loyer dans les régions métropolitaines du Québec sont les plus rares. Par exemple, dans la région métropolitaine de Québec, il est inférieur à 1,0 % pour tous les loyers de moins de 1000 $ par mois, mais est de 3,3 % pour ceux de 1100 $ et plus.
Le loyer moyen a, quant à lui, augmenté de 8,6% en un an, à l’échelle de la province. Selon les données sur les coûts de logement des derniers recensements, ce sont 116 000 logements locatifs abordables au loyer inférieur à 750 $, qui ont été perdus au Québec de 2016 à 2021, dont près de 90 000 à Montréal et près de 16 000 à Québec. « C’est majeur ! Plusieurs municipalités du Québec, jugées plus abordables jusqu’à présent, sont à risque de subir le même sort si rien n’est fait. Cette explosion du coût des loyers et l’effritement du parc de logements locatifs encore abordables ont des conséquences graves, particulièrement pour les ménages locataires à faible et modeste revenus qui se sentent déjà abandonnés », alerte Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU, exhortant le premier ministre à prendre la pleine mesure de l’urgence.
Le FRAPRU déplore que, tout en reconnaissant enfin la crise du logement, le gouvernement caquiste tarde toujours à mettre en place les mesures structurantes qui s’imposent pour y répondre, notamment au plan budgétaire. « On a l’impression que le gouvernement fait du surplace, alors que les locataires sont carrément désespérés », condamne la porte-parole, insistant sur le fait qu’une sortie de crise ne pourra pas reposer sur une simple augmentation de l’offre de logements locatifs. Les données démontrent en effet que les logements privés récemment construits se louent beaucoup plus chers, contribuant ainsi à la logique inflationniste, au lieu de répondre aux besoins de la moyenne des ménages locataires. « Force est de constater qu’il se construit beaucoup moins de logements répondant à la capacité de payer des ménages locataires à faible et modeste revenus qu’il s’en perd », résume Véronique Laflamme.
Selon le regroupement, seul le secteur sans but lucratif peut contribuer à l’augmentation pérenne du parc de logements réellement abordables. « L’insuffisance de logements sociaux nourrit la crise ! Les ménages locataires forcés de déménager – en raison d’une éviction ou d’une reprise de logement, de violence conjugale, parce que la famille s’agrandit ou parce qu’ils n’arrivent simplement déjà plus à payer le loyer exigé – n’ont aucune alternative, particulièrement ceux les plus pauvres. Aussi, les longs délais d’attente pour avoir accès à un logement social contribuent à créer de l’itinérance, visible et cachée ». Alors que plus de 38 000 ménages sont en attente d’une habitation à loyer modique et que plusieurs milliers d’autres espèrent une place en coopérative et OSBL d’habitation, les 5152 logements sociaux construits les 4 dernières années s’avèrent largement insuffisants. « Pire aucune unité n’est actuellement disponible dans un programme gouvernemental québécois pour soutenir la construction de nouveaux logements sociaux, comme AccèsLogis. Cela ralentit et complexifie le développement de nouveaux projets! » dénonce Véronique Laflamme.
« Le budget 2023 doit lancer un message très clair à l’effet que Québec relance le développement de nouveaux logements sociaux. Il doit fixer des objectifs suffisants en la matière, le faire aussi pour les prochaines années et prévoir tout le financement nécessaire », résume Véronique Laflamme. Le FRAPRU demande à Québec d’assumer ses responsabilités à l’égard du droit au logement, dès son prochain budget, plutôt que de les abandonner entre les mains du marché privé,. Cela passe, à son avis, par le financement de 50 000 nouveaux logements sociaux en 5 ans sous différentes formes (logements publics gérés par les offices municipaux d’habitation, coopératives et organismes sans but lucratif d’habitation). Ce grand chantier permettrait non seulement de construire de nouveaux logements, afin de lutter contre la pénurie, mais contribuerait également à préserver ce qu’il reste de logements locatifs abordables. « Il faut augmenter substantiellement la part occupée par le secteur social, sans but lucratif qui ne représente actuellement que 10 % du parc locatif québécois », plaide la porte-parole. Un avis partagé par plusieurs, y compris la Banque Scotia qui a elle aussi plaidé dans une récente analyse économique qu’« il faudrait minimalement doubler le nombre de logements sociaux »[1].
À l’instar de plusieurs acteurs notamment du milieu municipal durant les consultations pré‑budgétaires, le FRAPRU demande également au gouvernement de faire cesser l’incertitude sur l’avenir du programme AccèsLogis, auquel seulement 500 nouvelles unités ont été ajoutées en 4 budgets caquistes. Le programme, qui fait ses preuves depuis sa création en 1997, doit être rapidement ajusté, notamment afin de faciliter et d’accélérer l’acquisition d’immeubles existant par des organismes publics, coopératifs ou sans but lucratif.
Le FRAPRU a profité de la manifestation pour laisser une copie de son mémoire pré-budgétaire à l’Assemblée nationale, en accompagnement du char allégorique.
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Pour informations et demandes d’entrevue :
Véronique Laflamme, FRAPRU : 418 956-3403 (cell.)
[1] Banque Scotia, L’abordabilité des logements au Canada mise à mal, Observations et perspectives, 18 janvier 2023