Peu avant son budget, déposé le 16 avril 2024, le gouvernement libéral dévoilait son Plan du Canada sur le logement, basé sur l’engagement de « rendre le logement abordable ».
Ce plan amorce un nécessaire virage dans l’affectation des fonds publics destinés au logement. L’importance d’en réserver pour le secteur sans but lucratif et les populations les plus vulnérables y est par exemple reconnue. Certaines des mesures qui s’y trouvent correspondent à des demandes portées par le FRAPRU. Cependant, non seulement leur mise en application sera à surveiller pour en évaluer l’impact, mais trop de mesures du Plan reposent encore sur le privé. Lors de la mise à jour économique fédérale de novembre 2023, 1 milliard $ supplémentaire a été alloué au Fonds pour le logement abordable (anciennement le
Fonds de co-investissement) et réservé pour la réalisation de 7000 logements publics, d’organismes à but non lucratif et de coopératives d’habitations. Depuis, un volet nommé « création rapide de logements » a été ajouté dans le Plan, une avancée qui rendra récurrente l’Initiative de création rapide de logements (ICRL), seule mesure réservée au financement de logements sociaux dans les dernières années. 976 millions $ sur 5 ans, y seront consacrés.
Un Fonds canadien de protection des loyers de 1,5 milliard $ a également été créé afin de financer l’acquisition de logements et le maintien de leur loyer à un niveau stable. Quelques bémols : la somme consentie est minime, compte tenu du coût de l’immobilier et de l’urgence de sortir du marché des centaines d’immeubles à travers le Canada. Le fonds prévoit surtout, pour l’instant, des prêts à faible taux d’intérêt et une petite proportion de subventions. Espérons que cette reconnaissance de l’importance d’investir pour sortir le logement du marché spéculatif incitera Québec à mettre en place son propre programme d’acquisition. Celui-ci devrait être suffisamment financé, réservé à des fins de logement social, autant pour la mise de fonds, que les travaux requis et assurer le maintien dans les lieux des locataires en place.
De manière à faciliter l’acquisition et l’utilisation de terrains publics pour le logement, en partenariat avec d’autres paliers de gouvernement, un nouveau Plan pour l’usage des terrains publics à des fins résidentielles et un nouveau programme de logement Postes Canada ont aussi été annoncés. À ce jour, aucun objectif de réserver tous ces logements sur les sites publics, en priorité à des
organismes publics, coopératifs et sans but lucratif, n’a été énoncé. En outre, le budget a accordé des fonds supplémentaires à la Société immobilière du Canada (SIC) pour de nouveaux projets de sites ciblés, dont le Bassin Wellington à Montréal. Les objectifs d’abordabilité pour tous ces nouveaux programmes ne sont pas non plus connus. Or, seul un maigre 20 % de logements abordables est pour le moment exigé sur les sites redéveloppés par la SIC. Alors que le gouvernement fédéral tient entre ses mains une véritable opportunité de soutenir rapidement les projets de logement social. Il doit la saisir. Les sites fédéraux doivent rester 100 % publics.
Les 2 millions $ nets accordés à de nouveaux logements sont non seulement insuffisants pour répondre à l’ensemble des besoins criants à l’échelle canadienne, mais aucun objectif clair de logements sociaux à réaliser n’a été fixé. Il s’agit d’une lacune majeure, alors que le nouveau Plan du Canada pour le logement est basé sur l’engagement que personne au Canada n’ait à consacrer plus de 30 % de son revenu, pour se loger.
Enfin, certaines mesures du Plan favorisent en grande partie, les promoteurs privés et des logements qui sont majoritairement inabordables. De fait, s’ils représentent un progrès, ces investissements restent insuffisants pour répondre aux besoins impérieux de logement des 943 000 ménages locataires canadiens vivant dans un logement trop cher, trop petit ou en mauvais état, avec un revenu médian annuel de 27 200 $. Tel que le demandent plusieurs groupes à travers le Canada, avec la campagne « Logement social et droit humain », 500 000 logements sociaux en 10 ans sont nécessaires, pour répondre aux besoins les plus urgents.
Les investissements fédéraux peuvent faire une différence majeure. Si le fédéral ne s’était pas retiré du financement à long terme du logement social, en 1994, ce sont 85 000 logements sociaux supplémentaires au Québec qui offriraient aujourd’hui une alternative aux ménages locataires vivant les conséquences d’un marché locatif en crise.
À l’approche des prochaines élections fédérales, il est primordial de maintenir la pression afin d’assurer que le maximum des sommes fédérales soit attribué au logement social, condition nécessaire à une sortie de crise. Des mesures concrètes supplémentaires doivent être prévues pour que les sommes aboutissent plus rapidement que ça n’a été le cas dans les dernières années.