Montréal, le 12 décembre 2022 – Alors que les crises du logement s’enracinent et que les mesures structurantes pour permettre aux locataires d’y faire face se font attendre, un char allégorique du FRAPRU traverse différents secteurs montréalais aujourd’hui. Trois rassemblements mobilisant au total près de 200 personnes ont lieu successivement dans le Sud-Ouest, dans Rosemont et dans Saint-Léonard. À chaque arrêt, des créations de personnes mal-logées représentant leurs besoins, seront déposés sur le char allégorique. Les 17 groupes logement membres du FRAPRU à Montréal ont également fait part de leur grande inquiétude quant à l’avenir de d’au moins une vingtaine de projets de logements sociaux au sort incertain. Avec le FRAPRU, ils dénoncent l’absence de nouveaux investissements gouvernementaux dans les programmes comme AccèsLogis, pour développer de nouveaux projets de logements sociaux.
Les comités logement ainsi que des locataires directement frappés par la transformation de leurs quartiers et l’inabordabilité grandissante du logement, ont témoignés de l’urgence des besoins et des effets concrets de la pénurie sévère de logements sociaux dans leurs milieux.
Selon les groupes, des centaines de logements sociaux sont actuellement bloqués, voire menacés, parce que le financement de Québec n’est pas au rendez-vous.
« À Verdun, il y a des projets de logement social qui sont bloqués par le manque de financement d’AccèsLogis pour des nouveaux projets. Sur le boulevard Gaétan-Laberge, il y a un projet de plus de 150 logements sans but lucratif pour familles, personnes seules et personnes aînées qui est bloqué par la négligence du gouvernement du Québec. Ça fait depuis 2015 qu’il n’y a pas de logements sociaux pour familles qui se construisent à Verdun, alors que la crise du logement ne s’arrête pas de s’empirer, ça n’a pas d’allure de laisser des projets qui répondent aux besoins » a témoigné Steve Baird, coordonnateur du Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun.
« À Pointe-Saint-Charles, il y a 2 projets de logements sociaux qui traînent depuis plus de 10 ans faute d’un financement adéquat. Des locataires à l’origine de ces projets ont eu le temps de mourir avant de les voir sortir de terre » a pour sa part témoigné Hassan El-Asri, coordonnateur du Regroupement Information logement (RIL) de Pointe-Saint-Charles, avant de préciser qu’à Pointe-Saint-Charles, seulement sur la liste locale de requérantes et requérants pour une coopérative ou un organisme sans but lucratif d’habitation, il y 965 ménages en attente.
Le POPIR-Comité logement avait également deux projets actuellement retardés ou menacés à donner en exemple dans son secteur. Dont l’organisme sans but lucratif (OSBL) ACHIM à Ville-Émard-Côte-Saint-Paul. « C’est un projet de 113 unités pour les familles et les personnes seules très attendu dans un secteur où aucun logement social n’a été développé depuis 10 ans » explique Ines Benessaiah, organisatrice communautaire au POPIR ». « Il n’a pas été retenu dans le PHAQ, et il n’y a aucune unité de disponible dans AccèsLogis» déplore-telle. Même si le projet de l’organisme sans but lucratif d’habitation pour femmes Libre’elles a lui été retenu dans le PHAQ, elle craint que les logements ne puissent pas répondre aux besoins des personnes à qui il s’adressait au départ. « Nous sommes très inquiets et inquiètes pour la suite des choses. Sans un programme autoportant comme AccèsLogis nous n’avons pas la certitude que ces logements pourront voir le jours et que les loyers respecteront les besoins de la communauté » résume-t-elle.
Le FRAPRU rappelle que seulement 500 nouvelles unités ont été programmées dans AccèsLogis, au cours des 4 derniers budgets, pour tout le Québec; du jamais vu depuis la création du programme en 1997. Quant aux 1700 unités financées avec le nouveau Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), elles sont déjà toutes attribuées et il y en a seulement 434 à Montréal, très loin du 40% des unités réservées à la métropole dans AccèsLogis. Le FRAPRU et ses membres montréalais insistent sur le caractère scandaleux de cette absence de fonds et de prévisibilité qui persiste depuis des années, alors que les conditions de vie et de logement des locataires se détériorent à vitesse grand V. « Les gens n’arrivent plus. Le rapport annuel de 2021-2022 du Tribunal administratif du logement confirme que le nombre de causes de non-paiement de loyers est en hausse; le dernier Bilan-faim confirme l’accroissement les demandes d’aide alimentaires aussi. Les chèques sporadiques du gouvernement, les banques alimentaires et la guignolée ne peuvent pas remplacer le filet social; un financement adéquat des programmes sociaux, comme le logement social, est indispensable », martèle Catherine Lussier, organisatrice communautaire responsable des dossiers montréalais au FRAPRU.
Le FRAPRU rappelle le faible nombre de logements sociaux construits durant le premier mandat caquiste : à peine 5000 unités en 4 ans, dont quelques 2500 à Montréal. Le rapport annuel de gestion de la SHQ, déposé jeudi dernier, fait mention de seulement 527 logements réalisés avec AccèsLogis Québec et AccèsLogis Montréal, en 2021-2022. « On fait face à un gouvernement qui ne livre pas la marchandise et qui s’obstine à ne pas en prendre la responsabilité, » dénonce Catherine Lussier, qui regrette que la mise à jour économique de jeudi dernier n’ait rien prévu de plus pour le logement social.
Les membres du regroupement pour le droit au logement interpellent maintenant les ministres responsables de l’Habitation et de la Métropole pour que ce dossier devienne une véritable priorité en vue du prochain budget. Le FRAPRU demande le financement d’un chantier de 50 000 logements sociaux en 5 ans, développés par des coopératives, des OSBL et des offices d’habitation, dont 22 500 à Montréal. Le regroupement demande que cela soit fait par le biais de constructions neuves, pour lutter contre la pénurie, mais aussi par l’achat, puis la rénovation d’immeubles existants, transférés à des propriétaires sans but lucratif pour sortir des logements locatifs encore abordables du marché spéculatif.
Un premier rassemblement dans le Sud-Ouest a donné le coup d’envoi de la tournée montréalaise du char allégorique du FRAPRU; il sera suivi dans la journée d’un rassemblement dans Rosemont, où des locataires du centre et de l’est de Montréal l’accueilleront sur un site de l’ancienne CSDM revendiqué pour du logement social, puis d’un autre rassemblement dans Saint-Léonard, où l’arrivée de la ligne bleue entraine une spéculation immobilière menaçant les quartiers environnants de gentrification, au détriment des locataires à faibles et à modeste revenus.
Le FRAPRU sillonne les routes du Québec jusqu’à la mi-février 2023, afin de rendre visibles les besoins dans les différentes régions et les projets de logements sociaux nécessaires pour y répondre. À l’approche du budget, le char sera déposé devant l’Assemblée nationale, à Québec, lors d’une manifestation qui se tiendra le 16 février.
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