Par Céline Magontier, organisatrice communautaire au FRAPRU
Le 6 décembre 2016, Martin Coiteux, ministre responsable de l’habitation, a déposé le projet de loi 122 (PL122), visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter, à ce titre, leur autonomie et leurs pouvoirs. Le PL122 interpelle le FRAPRU en ce sens qu’il soulève questions et inquiétudes concernant notamment le droit au logement. En jouant un rôle de premier plan concernant le développement de logements sociaux et en matière de salubrité des logements locatifs privés, ce droit devrait être au coeur des nouveaux pouvoirs et responsabilités consentis aux villes. Or, le PL122 n’accorde pas tous les outils nécessaires à sa réalisation, ce qui pourrait aller jusqu’à accroître les problèmes et les inégalités.
Les lacunes du projet de loi 122
Afin de permettre le développement de nouveaux logements sociaux sur leur territoire, les villes devraient être investies du pouvoir de contraindre les promoteurs immobiliers à inclure des logements sociaux dans leurs projets résidentiels, mais aussi de se prévaloir d’un pouvoir de préemption sur tout terrain ou bâtiment non public, de manière à constituer une réserve de terrains et de bâtiments à des fins de logement social. Or, le PL122, ne prévoit rien en ce sens.
Au chapitre de la salubrité, le PL122 est un véritable rendez-vous manqué en ne prévoyant pas l’adoption d’un code national visant à la garantir. Aussi, les villes auraient dû être investies d’un pouvoir de saisie afin d’éviter l’acquisition des immeubles de propriétaires délinquants « à leur juste valeur marchande », qui a pour effet de les récompenser plutôt que de les pénaliser
Mettre à la disposition des villes les moyens d’appliquer leurs nouveaux pouvoirs
Il est alarmant de constater qu’au lieu de prévoir des transferts de fonds équitables vers les villes, les seuls nouveaux moyens de financement prévus pour leur permettre d’utiliser leurs pouvoirs supplémentaires sont des pouvoirs de taxation et de tarification. Or, en plus d’être régressifs, c’est-à-dire d’imposer le même taux à toutes et tous, indépendamment des revenus, contrairement à l’impôt, et donc de s’exercer au détriment des plus pauvres, ceux-ci risquent de nourrir la rivalité entre les villes et de laisser libre court au développement de projets immobiliers non abordables.
Un autre point particulièrement préoccupant du PL122 est l’abandon du processus référendaire, d’autant plus qu’il n’est remplacé par aucun autre mécanisme obligatoire de consultation publique. Bien que celui-ci soit imparfait dans sa forme actuelle, il s’agit du seul moyen existant permettant de forcer la publicisation des projets immobiliers majeurs et, à ce titre, permettre l’exercice de la démocratie citoyenne. L’abandonner revêt un risque réel de développement urbain au grès des promoteurs immobilier. C’est pourquoi celui-ci devrait-être maintenu et amélioré, en plus de contraindre les municipalités à se doter de procédures de consultations publiques.
C’est à la lumière de tous ces constats que le FRAPRU a fait part de ses préoccupations et recommandations encommission parlementaire le 21 février dernier, après avoir déposé un mémoire à l’Assemblée nationale, disponible en ligne sur son site.