Budget Girard: aucun nouvel investissement pour le logement social malgré la crise

Québec, le 12 mars 2024 – Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est extrêmement déçu du budget présenté aujourd’hui par le ministre des Finances Éric Girard. Alors que la crise du logement sévit durement à travers le Québec, le budget ne prévoit pas de financement pour de nouveaux logements sociaux. « Monsieur Girard table sur les 8000 logements sociaux et abordables annoncés lors de la mise à jour économique suite à une entente avec Ottawa et dont une bonne partie a déjà fait l’objet d’annonces gouvernementales: ça laisse trop peu d’unités pour de nouveaux projets au moment où il faudrait accélérer la cadence », déplore Véronique Laflamme. Celle-ci se désole aussi que le ministre des Finances refuse toujours d’offrir davantage de prévisibilité aux villes et aux organismes développant des logements sociaux, en fixant un objectif de développement sur plusieurs années. « Les besoins criants sont pourtant connus et les sommes actuellement prévues sont clairement insuffisantes pour y répondre », insiste-t-elle.

Le plan budgétaire souligne que les investissements prévus dans le cadre des précédents budgets et mises à jour économiques, incluant ceux dont le financement avait été annoncé avant 2018, permettront de contribuer à la réalisation de plus de 23 000 nouveaux logements d’ici 2028-2029 et semble s’en satisfaire. Pour le FRAPRU, qui note au passage que la part de logements sociaux hors marché privé n’est pas connue, le gouvernement caquiste se cantonne strictement à sa faible promesse électorale, faite avant que le gouvernement ne reconnaisse la crise du logement, sans tenir compte de la situation qui se détériore partout au Québec.

« Après 5 budgets où l’on a annoncé au compte-goutte le financement de nouveaux logements sociaux, c’était le moment de donner un grand coup », commente Véronique Laflamme. Le FRAPRU espérait le lancement d’un chantier de 50 000 logements sociaux en 5 ans pour répondre à l’urgence de la situation et à la diversité des besoins des locataires du Québec, que ce soit les locataires aînés, les familles à modestes revenus, les personnes seules ne réussissant plus à joindre les deux bouts avec les prix exorbitants des logements disponibles, les femmes victimes de violence conjugale, etc. Un tel chantier permettrait non seulement d’accélérer la construction neuve, mais également l’acquisition de bâtiments résidentiels locatifs encore abordables pour les sortir du marché spéculatif, tout en protégeant les locataires en place.

Le plan d’action en habitation promis relégué aux oubliettes

Selon le FRAPRU, il semble clair que le gouvernement caquiste abandonne en douce le plan d’action gouvernemental en habitation promis depuis plusieurs mois par les ministres qui se sont succédé à l’Habitation ou que celui-ci sera vide de toute substance. L’adoption d’un objectif ambitieux de développement de logements sociaux et son financement pluriannuel devait être selon plusieurs, dont le FRAPRU, la colonne vertébrale de ce plan.

Selon le regroupement de défense du droit au logement, pour sortir de la crise, il faut à moyen terme se doter de la perspective d’augmenter substantiellement la part de logements hors marché privé en doublant le parc de logements sociaux. « On espérait une vision claire d’où le gouvernement s’en va, mais elle n’est pas là » se désole Véronique Laflamme. Le FRAPRU, comme plus de 500 organisations sociales à travers le Québec, demande depuis plusieurs mois une politique globale en habitation. Celle-ci semble dorénavant incontournable selon Véronique Laflamme.

Le budget confirme par ailleurs que le gouvernement semble avoir décidé d’abandonner les quelques milliers de logements sociaux budgétés avant son arrivée dont il avait promis la construction dans son premier mandat et qui ne sont toujours pas livrés, dont 800 à Montréal. Aucun investissement n’est prévu pour permettre à ces projets de boucler leurs budgets. Selon le regroupement, ce sont des projets qui risquent d’être abandonnés ou forcés de changer de programme et autant d’unités promises plusieurs fois qui sont menacées d’être perdues.

Au rang des bonnes nouvelles, le FRAPRU se réjouit des investissements de 66 millions $ pour soutenir l’exploitation des HLM dont l’entente d’exploitation avec Ottawa est à échéance. Il souligne également les sommes de 153,3 millions $ prévues pour la rénovation des HLM découlent d’une enveloppe de 2,2 milliards $ annoncée en 2020 dans l’Entente Québec-Canada sur le logement. Considérant le nombre de logements HLM ayant besoin de rénovations urgentes, le budget aurait pu prévoir plus que 153 millions $ cette année selon le FRAPRU. En outre, il aurait été judicieux de profiter de ces travaux pour densifier certains immeubles d’habitations à loyer modique en prévoyant des sommes supplémentaires pour un nouveau programme de logements publics, ce que le budget ne prévoit pas.

Le FRAPRU apprécie également les investissements nécessaires à la poursuite de l’allocation-logement, bonifiée en 2022 à la suite d’une autre entente avec Ottawa. Or, selon lui, miser sur les aides financières individuelles ne réglera pas la crise du logement vécue durement par les ménages à faibles et modestes revenus. Malgré le récent rehaussement des prestations, dans le contexte actuel, de telles aides financières individuelles absorbent à peine, voire pas du tout, le choc de la hausse des loyers. Dans les faits, au regard de la cherté actuelle des loyers, de leur croissance rapide et du taux d’effort des ménages locataires concernés, l’allocation-logement gonfle surtout les poches des propriétaires, selon le regroupement. Pour que cette aide, même imparfaite, puisse aider davantage de locataires, il faudrait enfin mettre fin à la discrimination exercée contre les personnes seules ou en couple et âgées de moins de 50 ans. Il faudrait également instaurer un contrôle obligatoire et universel des loyers, afin d’éviter des hausses injustifiées qui dissipent la faible prestation obtenue, souligne le FRAPRU.

Vu l’augmentation des besoins à cet égard dans toutes les régions du Québec étant donnée la pénurie extrême de logements, le FRAPRU est soulagé que le gouvernement ait augmenté les fonds prévus pour l’aide d’urgence aux ménages locataires se trouvant sans-logis autour du 1er juillet. Il espère que tous les ménages en ayant besoin recevront une aide concrète en 2024, incluant de l’hébergement temporaire et que l’aide sera suffisante pour offrir des services à l’année là où les besoins se font sentir. « Des centaines de ménages se trouvent dorénavant mal pris souvent pendant plusieurs semaines, c’est une autre illustration de l’urgence de prévoir les mesures structurantes pour éviter ces situations en amont, ce que le gouvernement ne fait toujours pas », conclue Véronique Laflamme.

Un vrai programme de logement social : ça ne peut plus attendre

Alors que de nombreux écueils persistent dans le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) et que ce dernier est mal adapté aux impératifs du logement social, le FRAPRU espère maintenant que le gouvernement mettra en place promptement un programme complet, durable et spécifiquement dédié au logement social afin de s’assurer que les projets qui seront financés dans les prochains mois lèvent de terre plus rapidement et de freiner la place grandissante accordée à des acteurs privés et aux choix politiques discrétionnaires dans la sélection des projets financés.

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Informations et entrevues :

Véronique Laflamme, FRAPRU : 418 956-3403 (cell.)