En février 2016, le Canada comparaîtra devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Lors de ses deux derniers passages devant ce comité, en 1998 et 2006, il s’était fait recommander de considérer la lutte contre les problèmes d’itinérance et de logement comme « une situation d’urgence nationale ». L’urgence est toujours aussi présente aujourd’hui.
En se basant sur les données de l’Enquête nationale auprès des ménages menée en 2011, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) évalue que 1 552 145 ménages, dont 989 385 locataires, ont des « besoins impérieux de logement » au Canada. Ceci signifie soit qu’ils doivent payer un pourcentage trop élevé de leur revenu pour se loger, soit qu’ils habitent un logement dont la qualité n’est pas convenable, soit que leur habitat n’est pas de taille suffisante, soit qu’ils vivent une combinaison de ces problèmes. Au Québec, ce sont 348 485 ménages qui ont des « besoins impérieux de logement », parmi lesquels 270 340 locataires.
Or, la manière dont la SCHL évalue le nombre de ménages ayant des « besoins impérieux de logement » sous-estime grandement l’ampleur des problèmes. Non seulement les personnes itinérantes sont-elles exclues de l’évaluation, mais c’est aussi le cas des ménages qui déclarent consacrer plus de 100 % de leur revenu pour se loger. Or, lors de l’Enquête de 2011, il y avait 295 385 ménages locataires dans cette situation au Canada, dont 81 280 au Québec.
Le rapport de recherche, L’État de l’itinérance au Canada 2014[1], évalue que plus de 235 000 personnes se retrouvent en situation d’itinérance au cours d’une même année au Canada, dont 5000 qui sont sans refuge, 180 000 qui logent dans des refuges d’urgence et 50 000 qui sont logés provisoirement en hôtel, chez des parents ou des connaissances, en établissement hospitalier, etc. À chaque nuit, autour de 35 000 personnes sont en situation d’itinérance. Quant aux sans-abri chroniques ou épisodiques, leur nombre se situerait entre 13 000 et 33 000.
Ces chiffres sont évidemment discutables, tout comme ceux issus du dénombrement des personnes en situation d’itinérance à Montréal qui a permis d’en recenser 3016, le 24 mars 2015. Dans ce cas, une seule nuit a été prise en compte. L’évaluation ne permet donc pas de savoir combien de personnes ont vécu l’itinérance, à un moment ou l’autre durant l’année. De plus, le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes (RAPSIM) affirme à raison qu’elle sous-estime grandement le phénomène de « l’itinérance cachée », celle vécue par exemple par des personnes et des familles qui sont hébergées temporairement ou plus durablement dans leur famille, qui vont constamment d’un endroit à un autre, qui s’entassent à plusieurs dans des appartements beaucoup trop petits ou qui vivent dans des squats.
[1] Canada Observatory on Homelessness et Canadian Alliance to End Homelessness, L’État de l’itinérance au Canada 2014, un rapport de recherche Homeless Hub, 2014, p. 5.
Photo: Même s’il n’a pu s’installer de manière aussi durable que prévu, le Camp pour le droit au logement a attiré l’attention sur la gravité des problèmes de logement au Québec (photo : Toma Iczkovitz).